Volanthologie 2.0
Depuis quelques années, pour comprendre les alternances migratoires des volants, et tenter d’expliquer la complexité de leurs va-et-vient, plusieurs savants ès-sciences 2.0 s’efforcent de mettre en équation leurs ondoyants cheminements.
Nous nommerons cette nouvelle science la Volanthologie ! Étude scientifique relative aux volants qui s’inscrit désormais dans le monde des « sciences 2.0 », s’appuyant sur les technologies du Web, donc censée associer des approches plus collaboratrices [1].
Depuis qu’en 1696, Isaac Newton a reçu une anglaise pomme sur la caboche, mettant fin à sa bucolique sieste, les spécialistes en gravitation et attraction des masses cherchent à embobiner toutes les divines chutes dans des Trajectoires ! (une course déjà esquissée, en 1537, pour les boulets de canon, par Niccolo Tartaglia). Tous corps céleste, même un ange, obéirait à des Lois d'Attraction, pas celles du Lunapark, ni du coup de foudre amoureux, mais celles, tout aussi émoustillantes (pour les experts), de la Physique et de la Balistique. Ses aériennes courses seraient Modélisables, et donc prévisibles !
Il deviendrait possible de les mettre en Équations, de percer la fantaisie et les malices de ces déplacements, en les entortillant dans des constructions mathématiques : des Formules ! Soit des agencements de signes cabalistiques qui, bien que (parfois) simplifiés, « délaissant les roulis, tangages et lacets » du volant, laissent le badiste, béotien en la matière, bouche bée et raquette ballante.
v0 étant la vitesse initiale donnée par le joueur,
θ étant l’angle initial de départ après que la raquette ait frappée le volant,
λ le coefficient de frottement du volant, et m la masse du volant
Source : Étude de l'influence du matériel (raquette et volant) sur la trajectoire d'un volant de badminton,
INSA de Rouen, pp. 8-9. Téléchargeable ICI.
Désormais, des spécialistes en trajectographie se creusent le ciboulot pour percer les secrets des curieuses « courbes asymétriques » qui caractérisent le vol à l’ineffable beauté. Une course qui débute linéairement pour subitement basculer et plonger asymptotiquement (dite « trajectoire parachute »). Pour percer ce mystère, des « trajectographistes » étudient les « propriétés dynamiques » du bonhomme qui, à chaque claque reçue, se retourne complètement, oscille, puis se stabilise et trace sa route, avant de brutalement se mettre à freiner (perdant jusqu’à 85% de sa vitesse initiale !) et à inexorablement chuter !
Quelque soit le « Scud » envoyé par un « Patator », ce projectile si particulier se confronterait à un mur aérodynamique. Aussi, comme le souligne Guillaume Lafaye (maître de conférence à Paris-Sud), « à partir d’une certaine vitesse, taper plus fort dans le volant ne le fera pas aller plus loin »…[2]
Pour appréhender ces coups de freins intempestifs, et autres navigations erratiques, des démystificateurs se penchent sur la traînée de l’engin. Une sorte de « dégoulinade » constituée de tous les frottements qui altèrent et amollissent sa vélocité. Une Traînée qui se «modifie durant le vol [et] affecte considérablement sa trajectoire ». La mission s'annonce difficile, mais non dénuée de ravissements, d'extases, devant tant d'insoupçonnables beautés.
Illustration extraite de « Quand le badminton rencontre les sciences 2.0 » — © Denis Vuillemin
Les soudaines décélérations de ce projectile à la tête bouchonnée, beaucoup plus lourde que sa « jupe conique », seraient imputables à cette délicate dentelle, responsable de frottements et de frictions affaiblissantes. Des « forces visqueuses » (notamment « l a viscosité cinématique du fluide » traversé : l’air, plus ou moins chaud, plus ou moins pur ou dense) perturberaient son inertie, créant des forces de freinage qui ralentissent et modifient le vol de cet objet à « géométrie complexe [subissant] de grands déplacements » !
Le but de ces investigations : « Prédire précisément sa trajectoire », et ce dès l’impact de la raquette ! Solution : « Mesurer le coefficient de trainée des volants pour en déduire une loi de traînée en fonction du nombre de Reynolds » !
Tâche ardue, lorsque l’on prend en compte la « variété de trajectoires en fonction du type de coup joué ». D’autant que d'habiles, voire roublards, compétiteurs peuvent volontairement amplifier la rotation du volant (« imposée par l’angle de calage des plumes »), ou encore le faire tournicoter, ce qui « entraîne une modification de la traînée […] , surtout si le volant a un vol en dérapage »…
Mission impossible (?) lorsque le cogneur « boise » et que le volant ainsi bastonné part complètement de guingois ! Avez-vous d’ailleurs remarqué que lorsque qu’un joueur boise, le receveur boise aussi très souvent son coup ! Comme si le volant, sous l’effet du premier choc, repartaient tellement de traviole, presque titubant, tout tourneboulé, qu’il avait bien du mal à se redresser et se présentait encore de travers, tendant peut-être l’autre « joue » pour être remis dans le droit chemin ! (peut-être faudrait-il travailler la maîtrise du retour boisé pour totalement déconcerter son adversaire..?)
On doit à Denis Vuillemin, un élève ingénieur en aéronautique (et badiste !) tenté par un petit délire, les sensationnels screenshots qui illustrent ce texte. Des captures d’écran extraites d’animations, générées à partir de la « résolution numérique » d’une kyrielle d'équations, réalisée par les supercalculateurs d’un laboratoire de Sapporo (Japon), utilisant 3 logiciels top secret !
Volant Inside Vector Velocity - © Denis Vuillemin - Animation disponible sur Youtube : ICI
De « super jolies » animations qui mettent en évidence les turbulences, perturbations et autres écoulements, générés sur son passage par ce « météore », pointant les changements de pression sur les arêtes des plumes, et le comportement aérodynamique d’un Volant type et… « encore entier » ! Car, la moindre brisure de l’extrémité d’une plume modifie totalement son équilibre et impacte instantanément les capacités de freinage de la jupette ! Comme l’observe Denis Vuillemin : « On comprends pourquoi les joueurs pro changent de volant dès qu’un dixième de plume est cassé ».
Un empennage qui subit des forces telluriques de plusieurs Newton. Ce qui, ramené à l’échelle humaine, reviendrait à « supporter un éléphant d’Afrique » ! Mastodonte qui flirte allégrement avec les 6 tonnes (ceux d’Inde n’en pesant au max que 5). Comme quoi un simple tutu aux plumes bien agencées peut se révéler bien plus solide que le plus pectoralisé des bodybuildés ! La gracieuse à la taille de guêpe se montre capable d'encaissé sans trop broncher, juste un léger tressaillement, un quelconque uppercut décoché par un Mike Tyson (alias Kid dynamite), dont la force de frappe était estimée à 1 982 kg de pression par bras. Une pichenette pour notre héros, l'Ange Blanc !
Le Volant reste donc le plus fort ! Et gageons que les pirouettes de l’énergumène conserveront encore longtemps quelques secrets, tout comme «sa mystérieuse et majestueuse trajectoire ! » [3]
Notes :
[1] Pour une étude des imaginaires, utopies et mythes relatifs aux plateformes scientifiques créées à partir d’Internet, voir Florence Millerrand, « Les imaginaires de la “science 2.0” », Communication, Vol. 33/2, 2015. Disponible en ligne en cliquant : Ici. Reprendre la lecture.
[2] Guillaume Laffaye, « Le sport le plus rapide du monde », Sport et Vie, n°143, mars-avril 2014, p. 49. Reprendre la lecture.
[3] Cf. Denis Vuillemin, « Quand le badminton rencontre les sciences 2.0 », 2013. Disponible en ligne Ici.
Bibliographie :
Pour les physiciens, ou apprentis physiciens :
- Denis Vuillemin, « Quand le badminton rencontre les sciences 2.0 », 2013. Disponible en ligne Ici.
- Christain Tenaud et Nicolas Grenier (encadrants) : Simulation numérique d'un volant de badminton, Sujet de stage de Master 2, LIMSI, CNRS. À lire Ici.
- « Trajectoire d’un volant de badminton » (1ère partir de la « Composition de Physique » du Concours d’admission 2015 à l’École Polytechnique). Corrigé : Ici.
- Baptiste Darbois Texier, « Tartaglia, Zigzag & Flips » ; les particules denses à haut Reynolds , Thèse de Doctorat, Université Paris Diderot, Paris 7, 190 p., 2013. Voir, chapitre 2 : « Le mur aérodynamique », appliqué à la balistique sportive du volant de badminton (pp. 35-40). Archive Ouverte en cliquant Ici.
Volant Global - © Denis Vuillemin - Animation disponible sur Youtube : ICI