United Services Badminton Club, 1891
Cette photographie prise en 1891 est sans doute l’un des tout premiers portraits de groupe présentant une team de badminton posant au grand complet, avec à ses pieds le « logo » ou « armoiries » du club (à moins que ce ne soit un trophée...) : deux raquettes croisées surmontées d’un volant.
Il s’agit de l’équipe britannique du United Services Badminton Club, fondé en 1889 à Southsea, à la pointe Sud de l’île de Portsea (incorporée à Portsmouth en 1904). Une station balnéaire fort prisée au XIXème siècle, où séjournèrent notamment deux des plus grands écrivains britanniques, Arthur Conan Doyle et Charles Dickens.
Debout C. H. Hannington, Dr. Cole Baker, Major S.S.C. Dolby, Captain St. Clair Assises: Miss Gilbert, Miss Q. Roberts, Miss K. Miller, Miss Cockburn
Postmouth était un important port militaire de la Royal Navy, d’où partaient et revenaient la plupart des militaires (et sans doute des fonctionnaires) en poste dans les Indes britanniques (colonie du British Empire depuis 1858). Nombre d’entre eux qui y séjournaient avec leurs épouses ont découvert et pratiqué le « badminton » (souvent appelé Indian Badminton ), sous diverses formules. Ce divertissement, un exercice « actif et sain » convenant aux deux sexes, faisait fureur dans la belle société britannique.
Vers la fin du XIXème siècle, les soldats de sa Majesté et le personnel militaire ont ramené d’Inde cet « Indian badminton » et l’ont implanté en Angleterre, stimulés aussi sans doute par leurs épouses. Miss Gilbert (1ère joueuse sur la photo), par exemple, avait été, avec son mari, l’une des principales représentantes du jeu en Inde.
C’est ainsi qu'à leur retour de l’Empire des Indes, le major-général Rowland Wallace et le chirurgien général-adjoint Bying Giraud (Deputy Surgeon-Gen.) créèrent le United Services Badminton Club.
Cette aristocratique association qui disposait de deux courts de grande taille («affording ample room for two full-sized courts») dans un très beau pavillon, organisa le 11 janvier 1888 une série de matchs contre le Caledonian Club (de Londres ?). Quelques deux cents invités assistèrent à une rencontre de démonstration où les prestations des dames furent remarquées. Celle de Miss Giraud fut particulièrement appréciée (admirée), car outre l’efficacité de son service, ses retours « papillons » ("butterfly" returns) contribuèrent largement au succès de son équipe (The Field, 19 avril 1890, « Badminton at Southsea »). (Voir article publié en intégralité en Annexes)
Le jeu s’est ensuite répandu dans le Sud de L’Angleterre, à Bath, Southampton, Romsey, Guildford, Bognor, etc.
Sur cette archive photographique figure le Colonel Seymour Sackville Carew Dolby (3 ème en partant de la gauche de la photo), considéré comme « the godfather of badminton » par Pat Davis [1] . S.S.C. Dolby, qui selon la Badminton Gazette de décembre 1909 (voir reproduction en Annexes) fut l'un des first badminton players (en 1875, il était membre d'un club militaire qui jouait dans le West Cliff Hotel de Flokestone), est en effet à l’origine de l’unification des règles du badminton. C’est à son initiative que les représentants de neuf clubs anglais se réunirent dans sa maison de Southsea le 13 septembre 1893, afin d’harmoniser et d’encadrer les règles du jeu (rules framed). Ce ne fut pas chose facile, chaque club considérant ses règles comme les meilleures et, comme le note encore la Badminton Gazette, « il fallut beaucoup de temps et de tact pour aplanir les différences ». Les désaccords surmontés, de cette réunion naquit la Badminton Association, dont Dolby fut le premier Président [2] . Jusque-là les règles étaient très vagues et variaient parfois considérablement d’un club à l’autre. Chacun disposait de ses propres règlementations et adaptations locales, notamment en fonction de l’espace plus ou moins restreint mis à leur disposition. Une diversité qui pouvait générer quelques surprises lorsque deux équipes venaient à se rencontrer. Le Major Hannington (1 er à gauche), expliquait ainsi qu’« une équipe visiteuse ne connaissait jamais la taille du “terrain” sur lequel elle allait jouer, et le volant utilisé variait d’un ridiculement petit à un ridiculement grand, cafouilleux et lourd. » Aussi pour amener les volants à un poids satisfaisant, ils pouvaient être alourdis en plantant des punaises dans le liège du bouchon ! [3]
Outre les dimensions des terrains (certains courts, observe Geoff Hinder, étant parfois presque deux fois plus grands que ceux que nous connaissons), la hauteur du filet pouvaient également fortement varier.
Les Joueurs et joueuses apparaissent ici dans une tenue « sportive » uniformisée. Tous sont cravatés, la taille marquée par une solide ceinture. Pantalons en coton blanc pour les hommes (il faudra attendre le début des années 30 pour qu'un joueur en short, Raymond Maurice White dit « Bill White », évolue dans une compétition officielle [4]). Jupes longues et noires pour les dames, qui portent des chemisiers à manches longues, bouffantes au niveau des épaules. Un corsage dit manches « Gigot », en raison de leur forte ressemblance avec un gigot de mouton… Apparues en 1823, ces manches passèrent de mode dans les années 1836. Elles furent moquées « comme filles du caprice et de la frivolité » dans un pamphlet sur les tyrannies de la mode publié en 1828 : Historique de la huitième des nouvelles merveilles du monde, ou Plus de manches à gigot !!!. [5] Mais refirent leur apparition vers 1887-1890… [6]
Même si cela n’apparait pas sur l’image, les joueuses portaient alors des bottines en cuir.
Le badminton était alors une pratique très bourgeoise, réservée à un entre-soi mondain.
Si les hommes posent debout et les dames (confortablement) assises, un cran en-dessous, dans des sièges en osier, il faut souligner l’impeccable parité de cette équipe. Comme le soulignait le magazine The Field, dans son édition du 19 avril 1890, même si apparemment le badminton était encore largement réservé aux femmes, la direction du club ne pouvait être confiée qu’à des hommes.
Les dames pourtant semblaient exceller dans le maniement d’une raquette, peut-être parce qu’elles avaient beaucoup pratiqué le Battledore and shuttlecock , le jeu du volant, dans leur enfance et leur jeunesse... Lors de ces rencontres amicales, des paires féminines pouvaient ainsi jouer contre des paires masculines, et il n’était pas rare que les dames l'emportent…
Illustration accompagant une publicité pour «Badminton sets», parue en 1903 dans Spalding's Athletic Library, Vol. XVI, n° 188, New York City, American Sports Publishing Co.
Source des illustrations :
- photographie du United Services Badminton Club : Pat Davis, Guinness Book of Badminton, 1983, p. 20. Elle aurait été initialement publiée en 1935 dans la Badminton Gazette, un exemplaire que nous n’avons malheureusement pu consulter ;
- dessin partie de volant : Spalding's Athletic Library, Vol. XVI, n° 188, p. 59.
[1] Pat Davis, The Encyclopaedia of Badminton, Londres, Robert Hale, 1987, p. 40.
[2] Cf. Geoff Hinder, « The First Badminton Association», Site National Badminton Museum.
[3] « For instance, a visiting team never knew the size of the ‘court’ they were to play on, and the shuttle used varied from one absurdly small to one ridiculously large, clumsy and heavy. To bring the shuttles up to the required weight, drawing pins and tacks would be stuck into the cork of the base of the shuttle. » (Source : Site Badminton England)
[4] Cf. Geoff Hinder, « The First player to Wear Shorts at the All-England »
[5] Voir également « Modes. C’est une autre paire de manches », in Le Charivari, 5 mai 1836, p. 3.
[6] Cf. « Histoire de la Manche Gigot », site C’sur Mesure, octobre 2019.
Annexes :