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Publié par Frédéric Baillette

Giovanni Domenico Tiepolo, «Punchinellos playing battledore and shuttlecock», Dim. 34,5 x 46,5 - Source : Wikipedia

Giovanni Domenico Tiepolo, «Punchinellos playing battledore and shuttlecock», Dim. 34,5 x 46,5 - Source : Wikipedia

    Cette estampe de deux Punchinella (polichinelles en italien), dont un garçonnet (à gauche), jouant au volant fait parti d'une série intitulée Divertimento per li regazzi (Divertissements pour enfants), comportant 102 dessins exécutés à la plume et au lavis. Elle a été réalisée à la fin du XVIII siècle par le peintre italien Giovanni Domenico (ou Giandomenico) Tiepolo (1727-1804) qui, à l'orée de sa vie, s'est sans doute inspiré de son père Giovanni Battista (1696-1770). Dans les années 1730, celui-ci avait en effet produit une vingtaine de dessins mettant en scène des Punchinella (Punchinellos en anglais) (cf. «Punchinellos approching a woman», Getty Museum Collection, Spencer Alley, «Tiepolo Punchinellos» et l'huile sur toile reproduite ci-dessous, datée de 1730).
 

Tiepolo Giovanni Battista, «Group of Punchinellos», 1730, © Robilant+Voena

Tiepolo Giovanni Battista, «Group of Punchinellos», 1730, © Robilant+Voena

    Le personnage de Punchinella est un bouffon, aussi ventru que bossu, affublé d'un demi-masque au nez affreusement crochu, en forme de bec-de-corbin, et portant un chapeau conique démesuré. Apparu dans les années 1600, le trublion, issu de la comedia dell'arte, est devenu une figure populaire incontournable des spectacles de rue vénitiens.
    Ce valet d'extraction paysanne, grotesquement disgracieux, toujours vêtu de blanc, se présente comme un matamore bonimenteur et retors... Souvent armé d'un gourdin, le lascar a pour habitude de payer ses dettes à coups de bâton ! C'est un insolent querelleur, un jouisseur fanfaron, un bon-vivant grossier, qui malgré ses difformités, son physique ingrat et son impécuniosité, est si entreprenant et persuasif qu'il a du succès avec les femmes. Peut-être les séduit-il aussi car il les fait rire, avec sa démarche de poule, sa voix nasillarde et ses piaillements de volatile. L'animal se dandine, se trémousse et caquète. Ce qui lui aurait valu le surnom de Pullus Gallinaceus (soit de poulet ou de volaille), puis de Pulcino (poussin), de Pulecenella et finalement de Pulcinellabec de poulet» en napolitain)... Autant de désignations qui renverraient à sa nature de gallinacé. Les représentations théâtrales ou iconographiques le font d'ailleurs souvent apparaître d'un œuf (1).
    Si en France il a donné naissance à Polichinelle, en Angleterre il a pris le nom de Punchinello, pour finir sous la contraction de Mr. Punch, «Don Juan de la populace».

    La collection de dessins de Giovanni Domenico Tiepolo brosse la vie de Punchinella. Cette farandole de scénettes débute avec le mariage de son père, acte sa naissance, où il est représenté s'extrayant d'une coquille d'œuf couvée par une dinde (voir reproduction ci-dessous), se poursuit par son enfance et son adolescence (où il apprend à marcher et joue au Volant), avant de dérouler ses divertissements et aventures, jusqu'à sa fin de vie, la maladie qui le terrasse, suivie de son enterrement (cf. «The Burial of Punchinello»), pour se conclure par sa fantomatique résurrection.

(1) Cf. Anna Leone, «La voix de Pulcinella et l'artifice qui restitue la voix au corps», in Colloque La Parole aux animaux. Conditions d'extension de l'énonciation, Colloques Fabul, 2018. Disponible sur fabula.org.

Tiepolo Giovani Domenico, «Naissance de Punchinello», Dim. 35,3 x 47,3 cm - © Chistie's

Tiepolo Giovani Domenico, «Naissance de Punchinello», Dim. 35,3 x 47,3 cm - © Chistie's


    En faisant revivre le monde de Pulcinella, personnage fantasque, facétieux et grivois, Tiepolo célébrait sans doute  l'insouciance perdue, la festivité frondeuse moribonde, d'une Venise alors déclinante. Une cité d'où l'artiste était natif. «C'est la culture de ce monde disparu que Domenico, avec nostalgie et humour, a mythifié et immortalisé» dans ce carnavalesque album (1). Un travail considéré comme son œuvre la plus réussie.

    Réapparus à Londres en 1920 dans une vente aux enchères, ces dessins ont par la suite été acquis par un marchand britannique installé à Paris qui les revendit par lots. Aujourd'hui, ils sont éparpillés dans plusieurs musées et chez quelques particuliers.
    L'ensemble a toutefois été rassemblé et reproduit, en 1986, par Adelheidt M. Géalt dans un ouvrage d'art : Domenico Tiepolo : The Punchinello Drawings, British Museum Press.

(1) «It is the culture of that vanished world that Domenico, with nostalgia and humour, mythologized and immortalized in the Divertimento», L. Wolk Simon, Domenico Tiepolo. Drawings, Prints, and Paintings in The metropolitan Museum of Art, New York, 1996, p. 67.

Tiepolo Giovani Domenico, «L'enterrement de Punchinello», 1800 (vers), Dim. 35,3 x 47,3 cm - © Robert Lehman Collection, 1975

Tiepolo Giovani Domenico, «L'enterrement de Punchinello», 1800 (vers), Dim. 35,3 x 47,3 cm - © Robert Lehman Collection, 1975

Source des images :
-
«Punchinellos playing battledore and shuttlecock», Wikipedia.
- Naissance de Punchinello, Chistie's.
- Enterrement de Punchinello : The Burial of Punchinello, museum.org.
- Group of Punchinelli, huile sur toile réalisée par Giovanni Battista (père de Giovanni Dominico), artnet.

Pour découvrir d'autres Divertimento per li regazzi  :
- Quatre divertissements sont disponibles sur le site artic.edu.
- The Marriage of Punchinello's father, Art Insitute Chicago, site artic.edu.
- Punchinello as Tailor's Assistant, metmuseum.org
- The Flogging of Punchinello, metmuseum.org
- The Last Illness of Punchinello, ca. 1797-1904, The Morgan Library & Museum

Sources bibliographiques :
- «Giovanni Domenico Tiepolo's 'Punchinello' drawings», juillet 2020, site christies.com
- Danielle Sallenave, «Du Polichinelle au punch», Site academie-française.fr, mai 2013.
- «Lumière sur... Polichinelle», site Espace Francais.com.
- «Polichinelle (commedia dell'arte)», Wikipedia.
- Spencer Alley, «Tiepolo Punchinellos», décembre 2015, blog spenceralley.blogspot.
- Anna Leone, «La voix de Pulcinella et l'artifice qui restitue la voix au corps», in Colloque La Parole aux animaux. Conditions d'extension de l'énonciation, Colloques Fabul, 2018. Disponible sur fabula.org.

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