L’Art de se travestir en Volant ! (Léon Sault, vers 1883)
Dans les années 1880-1883, Léon Sault, entre autres éditeur, illustrateur et créateur de costumes pour théâtre et opéra, publie sous le titre générique L’Art du Travestissement, quelques 144 lithographies sur le costume. Un florilège de créations permettant, comme il l’écrit, «de suivre l’élégance et le goût du jour, tout en restant dans les traditions et l’exactitude des genres et des styles anciens.» Œuvre annoncée comme «éminemment intéressante car elle répond à un besoin absolu […], particulièrement, pour les artistes, les costumiers et les gens de théâtre».
L'Art du travestissement se présente sous forme de 4 séries : Costumes Historiques, Nationaux, Allégoriques et Fantaisistes. Chaque série est constituées de douze livraisons, comprenant toutes «trois gravures hors texte, coloriées à l’aquarelle et retouchées à la gouache et trois planches de vignettes et accessoires correspondant à chacune des figurines coloriées».
Le Volant est l’une des trois gravures de la livraison intitulée Les Jeux formant la 3ème série, celle des Costumes Allégoriques (voir ci-dessous, l'ensemble des thèmes abordés dans cette collection) :
Mode Charme. Dessins, Aquarelles, Croquis, Léon Sault Éditeur, 1890 – Source Gallica-BnF
Deux autres «déguisements» complètent la livraison des Jeux : Les Cartes et Les Échecs (à regret, nos recherches concernant la catégorie Le Sport, 2ème livraison des Costumes allégoriques, sont restées infructueuses) :
Léon Sault, « Costumes Allégoriques, Les Cartes » – 3ème série, 4ème livraison (Les Jeux), L'Art du Travestissement
Léon Sault, « Costumes Allégoriques, Les Échecs » – 3ème série, 4ème livraison (Les Jeux), L'Art du Travestissement
Fin 1883, Léon Sault rassembla et publia la totalité de ces lithographies (et très certainement les textes et vignettes les accompagnant) dans un recueil, devenu aujourd’hui une rareté, dont le prix de vente sur les sites spécialisés fluctue autour de 5000 euros. Il semblerait que cet ouvrage ait connu différentes rééditions (1884, 1885) et qu'existe également des volumes dans lesquels ne sont rassemblées et reliées qu'une quinzaine de livraisons.
Le 30 novembre 1883, le journal le Figaro mentionne ainsi une publication qui «devrait rendre les plus grands services aux directeurs de théâtres», en leur fournissant des modèles de costumes historiques et allégoriques, «avec les moyens de les exécuter». En contre-point des gravures, l’ouvrage comportait des croquis et des informations aidant à leur confection. Mais, faute d’avoir pu en consulter d'exemplaire, ni d’être parvenu à dénicher une quelconque Livraison complète, il nous a été impossible de cerner quels «matériaux», accompagnant les lithographies, renseignaient les couturiers «sur la forme, sur la coupe, sur les étoffes à employer»… et mettaient la confection de ces costumes «à la portée de tous» :
Un éventail de costumes festifs et « carnavalesques »
Si cette somme de costumes, piochant dans différentes époques et offrant une variété de styles, de l’authentique à l’humoristique, sans oublier l’exotisme et le capricieux, se révélait grandement utile pour la confection de costumes de scène, elle l’était également pour tous les «riches fêtards» qui souhaitaient se déguiser.
Sous le Second Empire, les bals costumés et masqués, impulsés à la Cour par l’Impératrice Eugénie [1] devinrent à la mode. Cette vogue se poursuivit jusqu’à la fin du XIXème siècle. Elle entraîna dans la haute société une augmentation conséquente de la demande en pièces uniques, confectionnés par des couturiers de renom, permettant de rivaliser d’éclat et d’originalité.
Le plus souvent conviés à se travestir en fonction d’un thème donné, où l’extravagance était bienvenue, les invités se devaient de trouver des costumes aussi élaborés qu’inventifs.
Les différents costumes détaillés par Sault se révélaient d’un grand recours pour se singulariser, être incroyable, et répondre avec pétulance aux différentes et pressantes attentes [2].
L’éventail de somptueux travestissements proposés était particulièrement précieux en période de carnaval. En décembre 1884, dans sa rubrique Théâtres, le quotidien Le Constitutionnel rappelait ainsi à ses lecteurs et lectrices, qu’ «en pleine saison théâtrale et à l’approche du carnaval», les publications mensuelles de Léon Sault sur l’Art du Travestissement constituent «une mine inépuisable de travestissement originaux» [3].
Pour Le Soleil du 18 février 1884, «L’art des [sic] travestissement est intéressants […] surtout au moment des bals masqués», même si les costumes allégoriques, certes «très jolis en gravure […] paraissent moins pratiques [car] très coûteux et lourds à porter.»
Qui était Léon Sault ?
Bien que particulièrement prolifique, Léon Sault n’a, à notre connaissance, fait l’objet d’aucune notice biographique conséquente. Nous n’avons trouvé que de parcellaires informations, ici regroupées.
Si, dans la brève notice que lui consacre la Bibliothèque Nationale de France, sur data-bnf, ses dates de naissance et de décès sont incomplètes : «18.. – 19..», Wikimedia borne sa vie du 23 janvier 1939 au 26 janvier 1921, et indique un pseudonyme : Léo de Stavila [4] – un alias que l’on retrouve effectivement en signature d’articles parus dans les années 1875 dans le journal La Comédie dont, comme nous le verrons, il prendra la direction, ou encore dans le mensuel Mode Charme dont il fut l’éditeur, mais aussi dans une brochure critique sur l’Exposition Universelle de 1878.
Plus loquace, le site Biblio, spécialisé dans la vente de livres rares, le présente comme «costumier de théâtre et d’opéra, éditeur, rédacteur et illustrateur de magazines de mode de luxe».
Sault réalisa également plusieurs affiches de pièces de théâtres, notamment, en 1879 et 1881, pour les adaptations de deux romans d’Émile Zola, L’Assommoir et Nana (voir reproductions en Annexes). Il illustra aussi des partitions musicales (comme celle de l’opéra-comique Les Noces d’Olivette), réalisa des dessins présentant des pièces de théâtre (par exemple l’opéra Paul et Virginie), croqua encore les portraits de personnalités du spectacle, et publia quelques caricatures dont une sur le Clergé qui lui valut d’être inquiété par la censure (voir reproduction en annexe).
Dans les années 1873, il apparaît comme Illustrateur-gérant de l’hebdomadaire La Comédie, avant d’en devenir, quelques années plus tard, Rédacteur en chef, puis rapidement d'occuper la fonction de Directeur-gérant, le journal se mensualisant en prenant pour titre La Comédie Parisienne, Publication mensuelle illustrée, artistique et Littéraire .
Il est de fait surtout connu comme un dessinateur de costumes de théâtre et de mode, particulièrement actif des années 1860 aux années 1880.
Outre son Art du Travestissement, il réalisa de nombreuses «aquarelles-modes» pour le journal des modistes et des lingères : La Fantaisie (1880-1885).
Dans les années 1891-1893, il édita une publication mensuelle de luxe de grand format : Mode Charme, Dessins, Aquarelles, Croquis. Cette publication à ses dires exceptionnelle, accompagnée de «quatre belles Figurines-Aquarelles [en couleur] affirmant la véritable mode du jour», s’adressait aux Fabricants de Haute Nouveautés et se voulait refléter le «monde élégant de tous pays».
Il publia également une revue hebdomadaire, parsemée d’élégantes toilettes : L’Aquarelle-Mode qui, vers la fin du siècle, devint mensuelle sous le titre de L’Aquarelle Mode-Caprice.
Enfin, ses lithographies furent également publiées dans des magazines britanniques comme : Young Ladies, journal édité à Londres de 1883 à 1884 par D. Nicholson & Compagny :
[1] «La Cour Impériale (3ème partie) : Bals parés et bals masqués», Revue du Souvenir Napoléonien, n° 299, 1978, pp. 6-17. Disponible sur napoleon.org.
[2] Les dessins et croquis de superbes toilettes que Sault publia dans différents journaux de mode inspirèrent très certainement Charles Frederick Worth, couturier d’origine britannique installé à Paris qui devint, à la fin des années 1850, le préféré de l'impératrice Eugénie et croula sous les commandes des dames la Cour.
[3] Le Constitutionnel, 13 décembre 1884, p. 3.
[4] Peut-être emprunté au «marais de Stavila» auquel font tour à tour référence Alexandre Dumas dans le tome 2 des Mille et un fantômes (1849), puis Prosper Mérimée en 1869 dans «Le Vampire».
ANNEXES
Affiche de Léon Sault, Nana (d'après le roman d'Émile Zola), Théâtre de l'Ambigu, 1881 – Source Gallica-BnF
Affiche de Léon Sault, L'Assommoir (d'après le roman d'Émile Zola), Théâtre de l'Ambigu, 1879 – Source Gallica-BnF.