Contribution à l'étude du cycle de vie d'un Volant
Comment les Volants viennent-ils au monde ? La question turlupine régulièrement les observateurs qui s'intéressent à l'évolution d'une espèce devenue, depuis quelques décennies, particulièrement invasive.
En France, l'apparition du volatile remonterait au Moyen-Âge. Une famille, en vadrouille migratoire, aurait alors tenté de trouver refuge à la Collégiale Saint-Martin de Champeaux. Un prieuré, dans lequel elle n'aurait pas été très bien accueillie... Une Stalle, taillée dans du chêne par le menuisier parisien Richard Falaise, en 1522, montre ainsi un beau spécimen chassé, à coups de battoirs, par deux jeunes clercs [1]. Des petites palettes de bois, très rudimentaires, étaient, en effet, utilisées pour les repousser. Les chasseurs de Volants n'auront ensuite de cesse de les perfectionner, sous l'appellation générique de Raquettes.
Stalle de la Collégiale Saint-Martin de Champeaux (77)
« Une miséricorde. Le jeu du volant », réalisée par Richard Falaise en 1522
Expulsé des églises et des monastères, où il n'était d'évidence pas en odeur de sainteté, le gracieux Volant a, fort heureusement, rapidement séduit les puissants du royaume qui l'ont adopté pour servir de compagnon de jeu à leur progéniture. Ainsi, dès leur plus jeune âge, princes, dauphins et chérubins de hautes lignées, firent joyeusement virevolter l'oiseau, dans les halls de leurs châteaux, manoirs, et autres vastes demeures, transformés en immenses volières.
Aux beaux jours, quelques précepteurs, convertis aux bienfaits d'une éducation campagnarde par les écrits d'un Rousseau, poussèrent leurs nobles élèves à s'exercer en plein-air. C'est, sans doute, à l'occasion d'une de ces bucoliques « Parties » que quelques individus, épris de liberté, en profitèrent pour gagner les campagnes environnantes, avant d'envahir, au XIXème siècle, les parcs et les squares arborés des grandes villes, puis d'investir progressivement les ruelles des quartiers populaires, jusqu'à devenir une « nuisance » (l'histoire de cette diffusion prolétarienne fera l'objet d'un futur épisode de la série consacrée aux « Vies du Volant »).
Après cette joyeuse période d'expansion et d'éparpillement, l'espèce connaîtra, à partir des années 1930, une baisse drastique de ses effectifs et frôlera la disparition... Les jeunes humains cessèrent subitement de les aider à s'élever toujours plus haut dans les airs, leur préférant des activités plus à la mode, dites sportives, venues d'Angleterre... Les jeunes hommes s'investirent aveuglément dans des sports de balles, considérés comme plus virils, et les jeunes filles les délaissèrent au profit notamment de petites balles jaunes... Il fallu attendre qu'une version plus agressive et encadrée du traditionnel jeu du volant, appelée Badminton, voire badmington dans des provinces reculées (prononcé alors badminguetonne), s'implante progressivement pour qu'une nouvelle lignée de Volants réapparaisse, croisse et se diversifie, tout en gagnant en robustesse, voire en « teignosité » (cf. ci-dessous, une variété surgie d'outre-tombes qui, fort heureusement, s'est faite rapidement décalquer !).
Certains individus surent remarquablement s'adapter, en opérant une étonnante mutation. Des modèles plus coriaces virent le jour, et proliférèrent au tournant du XXIème siècle. Les anatomies se firent plus affûtées, plus résistantes. D'autres, aux ambitions plus modestes, surent tirer leur plume du jeu en ciblant un public moins exigeant, voire défavorisé. C'est ainsi qu'une version plastique, plus souple, ne tarda pas à se répandre dans les établissements scolaires, notamment au sein d'AS (une variante de la Shutteclock Association, la SA britannique), pour égayer l'éducation physique (et sportive) de grappes d'écoliers en mal de motivation.
De nombreuses variétés apparurent et rentrèrent en concurrence. Des hybridations virent le jour. À tel point que des spécialistes en volantologie (une nouvelle science née à l'orée du XXIème siècle) se mirent à les inventorier, à les classer et ne purent s'empêcher de les hiérarchiser (en fonction de leur vélocité et de leur capacité à encaisser les coups sans trop rapidement s'étioler). Pour les distinguer, ils leur attribuèrent des Grades. Les plus rapides, les plus résistants, les plus hauts gradés, plus difficiles à attraper et à mater, furent réservés à une élite de cogneurs, plus vifs et expérimentés.
À noter qu'il y a quatre ans, en 2017, un collectionneur a repéré en Ukraine, près de Kiev, une nouvelle variété jusque-là totalement inconnue, quasi indécelable, vêtue de feuille de chênes ! Un subtil camouflage qui lui aurait permis de se fondre dans la forêt d'Holosiivsky et d'y couler des jours heureux... (voir ci-dessous la représentation d'un ce ces «volants-chêne», une espèce maîtrisant parfaitement l'illusion mimétique).
Projet Le Silpo Sprint 2017 — Kiev (Ukraine) — © Dima Tsapko
Si les grandes périodes qui ont marqué l'Histoire du Volant, de sa genèse à sa massification, sont désormais bien documentées, grâce notamment au travail précurseur de Jean-Yves Guillain [2] et plus récemment à l'encyclopédique recherche entreprise par Julie Grall [3], nombre de questions fondamentales restent encore à résoudre : Comment les Volants ont-ils pu se transformer, en si peu de temps, pour survivre dans un biotope devenu une quasi jungle ? Quelles stratégies ont-ils adoptés pour se maintenir dans un champ d'affrontement, où ne règne plus que la loi du plus fort. À quelles astuces ont-ils eu recours pour se perpétuer dans un espace clos où, dès qu'ils sortent de leur boîte, ils deviennent un gibier, voué à une décimation organisée ?
Enfin, la plus ardue qu'elle est leur place dans la cosmogonie du monde ? (cruciale interrogation qui fera l'objet d'une prochaine réflexion, plus philosophique que scientifique).
Des réponses à ces énigmes ont récemment été apportées par un badiste, féru d'ornithologie. Si elles peuvent paraître un tantinet tirées par les plumettes, nous verrons, à l'analyse, qu'elles sont très loin d'être foldingues.
On doit à un artiste érudit (trop méconnu), zoologue et illustrateur, spécialisé dans l'étude de la faune sylvestre toulousaine, Stéphane Macario, la première esquisse d'une nidification. Un document exceptionnel, jusque-là jamais diffusé, exhumé d'archives personnelles, que l'iconoclaste personnage, briseur de rêves et culbuteur de certitudes, nous a confié. Nous le reproduisons ici avec son aimable autorisation.
Ce croquis, croqué sur le vif, d'une main alerte et experte, est, en effet, lourd d'enseignements et de découvertes !
L'intelligence du volatile bondit, instantanément, aux yeux. Elle éblouit. En effet, pour combattre les peurs ancestrales, génétiquement ancrées, les parents ont, astucieusement, conçu un habitat à base de raquettes usagées, des vieilleries jetées aux orties par quelques irrespectueux joueurs. Ces déchets ont été judicieusement recyclés, pour être mis au service d'une pédagogie par imprégnation ! Ainsi, dès leur naissance, les volanteaux acquièrent une connaissance de l'ennemi héréditaire qu'ils auront sous peu à affronter.
Par ailleurs, pour insensibiliser les futures générations et accroître leur résistance à la dureté des frappes à venir, ces prévenants géniteurs leur font ingérer des micro-doses du produit toxique que sera, pour eux, une fois devenus adultes, la terrible Raquette ! Une fortification des organismes par mithridatisation qui laisse bouche bée les plus hautes sommités scientifiques. Il faut effectivement le voir, pour le croire !
Naissance d'un Volant !
On doit également à une filouterie de Stéphane Macario d'avoir saisit les différentes étapes de l'éclosion de l'ébouriffé, en milieu artificiel (certaines espèces sont désormais élevées en batteries dans des usines spécialisées, pour un max de profit...). On observera que, dans ces couveuses, par souci de rentabilité, les œufs-porteurs sont regroupés, à l'ancienne, par séries de douze (tout comme d'ailleurs les huîtres, les yaourts, les escargots, etc.). Une manière moyenâgeuse d'assembler, qui tient à la fois à la facilité du nombre 12 d'aisément se diviser par 2 (une demi-douzaine), mais aussi par 3, 4 et 6 ! Mais surtout car, aux temps où les calculettes n'existaient pas, les anciens comptaient sur leurs doigts, plus précisément sur leurs phalanges, se servant du pouce de la main utilisée comme d'un boulier ! Un pouce et quatre doigts valides, composés de 3 phalanges = 12 ! L'autre main servant à tenir un panier à provision ou éventuellement un battoir, puis les siècles suivants, une raquette !
Si, à l'état sauvage, l'incubation d'un volant prend un certain temps... Le photographe a eu recours à un habile subterfuge, utilisant les progrès technologiques de la science moderne pour accélérer le processus de maturation des embryons. La précieuse barquette a été ingénieusement introduite dans un micro-ondes, thermostat réglé sur 2, assurant une opportune tiédeur. C'est ainsi qu'en 45 minutes, deux volants-jumeaux parfaitement identiques ont éclos.
Ces clichés, d'une extrême rareté, ont permis de percer un premier mystère. On pensait jusqu'alors que les volanteaux brisaient leur coquille à petits coups de bec. Certes, quelques esprits narquois faisaient bien remarquer que l'oisillon était dépourvu d'un quelconque appendice nasal, mais leurs objections étaient d'un revers balayées par les traditionnels imbus qui pensent tout savoir et assènent leurs absurdités ontologiques comme s'ils détenaient La Vérité. Les images prises par Mr Macario mettent fin à cette stérile polémique, prouvant que les soit-disant doctes érudits n'étaient que de pédants Diafoirus. En effet, il apparaît indubitablement que c'est par la pression exercée par leurs plumes, et uniquement grâce à cette cette poussée interne, que la partie haute de la protectrice carapace se craquelle, se fragmente, puis se brise en totalité.
Autre découverte, et non des moindres, par une étrangeté (encore inexpliquée), les calamus (ou tiges creuses) des plumes se retrouvent comme fixée à la partie basse de « l'œuf » qui subsiste sous l'appellation de Bouchon !
Enfin, ce précieux document nous apprends que les Volants, lorsqu'ils sont élevés industriellement, ne passent plus par le stade dit de l'oisillon avant d'arriver à maturité, mais apparaissent instantanément avec leur gabarit adulte, portant déjà tatoué, au plus profond de leur chair, la marque de leur clan. Ici, nous sommes, comme annoncé en en-tête de la séquence, en présence d'une variété britannique, appartenant au gang historique des Shuttlecock Eggs (SE).
Une bien triste Fin
L'amateur touche-à-tout ne s'est pas simplement contenté de capter la stupéfiante apparition d'un Volant. Il a également enquêté sur les attaques éhontées dont l'innocent piou-piou est, régulièrement, la victime. Il n'est pas resté calfeutré dans son laboratoire et n'a pas hésité à se mettre en danger, s'introduisant dans un Gymnase, pour infiltrer une de ces battues que l'on nomme communément Tournois.
Pour rappel : jusqu'à l'apparition du COVID (Comité d'Organisation des Volants Insoumis et Déchaînés) et de la prudente décision d'observer une période de mise en veilleuse des hostilités, des centaines ce ces rassemblements, annoncés comme festifs, étaient organisés tous les week-ends. Ils l'étaient par des Clubs, sortes de confréries d'acharnés de la Raquette dont les adhérents s'exerçaient, durant la semaine, en utilisant des Volants de moindre qualités, souvent déjà éclopés. Des esquintés, jugés encore potables pour servir une dernière fois. Ils les puisaient dans des caisses, ou des cartons, que régulièrement des Dirigeants (sortes d'hommes à tout faire, corvéables-à-merci) triaient pour « faire du vide »... Une « sélection » qui signait la condamnation définitive des plus déplumés...
Après de longs débats, nous avons finalement décidé de publier, l'insoutenable et unique cliché, discrètement pris par Stéphane Macario lors d'une immersion en milieu hostile.
Le focus réalisé montre toute l'abomination du primitif procédé utilisé, lors de ces « chasses » (un euphémisme pour tenter de désigner cet inqualifiable acte de barbarie), pour mettre au sol le pauvre volatile.
Ainsi, désormais, grâce aux trois fondamentaux apports de Stéphane Macario, nous connaissons mieux, le cycle de la vie d'un Volant.
Si la véracité de ces documents ne peut être mise en doute, il en va tout autrement de la quasi scène de crime publiée ci-dessous et qui, après étude, nous semble être un montage, un fake ! Il émane d'une artiste plasticienne, Nancy Fouts (1945-2019), dont le travail est, à juste titre, qualifié de surréaliste, dadaïste et hyperréaliste (donc surpassant le Réel !). Il est, en effet, hautement improbable que les cerveaux des Volants soient constitués d'une matière ectoplasmique aussi flasque et visqueuse que celle emplissant un œuf. Il faut marteler haut et fort que : «Les Volants ne sont pas des têt'd'œufs !» Leur crâne est infracassable. Bien prétentieux seraient celui qui pérorerait être capable de seulement l'entamer ! Bien évidemment, en vieillissant, il arrive aux moins solide, «les plastiques», de perdre totalement la boule. Les malheureux subissent alors un franc étêtement, une abrupte décapitation, le bouchon se désolidarisant brusquement du plumage... Une bien triste fin !
Notes :
[1] Cf. Jean Messelet, « La collégiale Saint-Martin de Champeaux », in Bulletin Monumental, 1925, p. 279. Disponible en ligne en cliquant Ici. Reprendre la lecture.
[2] Jean-Yves Guillain, Histoire du Badminton. Du jeu de volant au sport olympique, Paris, Publibook, 2002. Reprendre la lecture.
[3] Julie Grall, Histoire du badminton en France (fin XIXe siècle – 1979). Pratiques et représentations , Université Rennes 2, STAPS, 2018. Disponible en ligne en cliquant Ici. Reprendre la lecture.
En complément sur le blog « Quand le bad s'affiche ! »
Arrêt sur Affiche #29 - « La chasse au Volant est ouverte »
Une prise d’affiche surplombante, saisissant toute la somptuosité, la richesse quasi artistique, du vol du singulier volatile portant dentelle, qu’est le Volant. Un bien étrange zozio, capable d’envolées majestueuses, de s’élever haut, très haut avant d’entamer une descente à l’impeccable verticalité, proche de la chute libre.
Un élégant, à la cape immaculée, qui peut se transformer en un cruel rapace, fondant sur sa proie à des vitesses fulgurantes. Récemment, un spécimen nichant en Malaisie a été flashé à quelques 493 km/h ! Un piqué qualifié de « dévastateur » par des observateurs tout ébouriffés. [...]
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