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Publié par Frédéric Baillette

 

    Ce dessin tout en délicatesse illustre une pleine page d'un livre pour enfant, publié en 1865, intitulé Les Jeux de la Poupée. L'album fait partie d'une série composant une Bibliothèque du Premier Âge.
 

Les Jeux de la Poupée, 1865, détail de la couverture

 

    À la manière des enluminures du Moyen-Âge, les lettres du titre sont façonnées, enjolivées, avec les principaux instruments de jeux utilisés au XIXème siècle par les petites filles : bilboquet, filet à papillons, jeu des grâces, cerceau, charriot, diabolo, corde (à sauter) et, pour ce qui nous intéresse, trois raquettes et quatre volants, bien utiles pour former les lettres E !
   Le titre complet de ce volume, mentionné en page intérieure, est plus précisément : Les Jeux de la Poupée. Conversations d'une petite-fille avec sa poupée. Mêlées de Contes, Fables et Historiettes.
    La lithographie, signée Jules Gaildrau (1816-1898), colore le passage du chapitre « On berce la poupée », où Céline et sa petite sœur Claire s'exercent au volant, sous la surveillance de leur bonne, « dans une galerie à jour, formée par des colonnes que des pampres [1] ombrageaient en serpentant ».
    Un bel échange, puisqu'elles viennent de réaliser «près de cents coups de suite, sans que leur léger projectile touchât à terre ». Partie interrompue par un « coup de maladresse » de l'étourdie Claire qui « avait touché le volant avec le bois, au lieu de le recevoir au milieu du grillage de sa raquette » !
    Aujourd'hui, nous dirions qu'elle a « fait un bois ».
    Mais, si un « boisé » peut parfois permettre, en badminton, de marquer un point de raccroc, au « jeu du volant » il mettait souvent définitivement fin à l'échange... et amenaient joueuses et joueurs à repartir de zéro, pour tenter de faire mieux.

    Dans cette historiette, le volant mal renvoyé termine dans la bercelonnette [2], réveillant la pauvre Lili que Céline, « abandonnant tout à coup sa raquette », s'empresse d'aller bercer. Tandis que Claire, sans doute experte en jongleries, « fort peu inquiète de la poupée, prit une raquette de chaque main, et se mit à jouer au volant toute seule » ! 

[1] Branches ou rameaux de vigne avec ses feuilles, ses vrilles et, souvent, ses grappes.
[2] Petit berceau disposant de deux pieds en cerceau pour faciliter le balancement.

 

Les Jeux de la Poupée, 1865, p. 49-50

 

    Ce livre illustré, destiné aux petites filles « bien obéissantes » [3] qui rêvent de devenir maman, s'inscrit dans un genre littéraire dit de « la littérature de poupée », recourant aux jeux et jouets dans le cadre d'une éducation familiale : « Très abondante au point de devenir un genre littéraire, [cette littérature] amuse des générations de fillettes et les modèle selon les normes morales, culturelles et sociales d’une société bourgeoise triomphante. Les nombreux épisodes et illustrations relatifs à l’éducation de la poupée par sa jeune maîtresse attestent ce détournement du jeu à des fins éducatives. De ce point de vue, la littérature de poupée qui se situe à la jonction de trois outils pédagogiques majeurs : le livre, le jouet et l’image, apparaît bien comme un objet culturel de l’enfance privilégiée, au service d’une éducation du genre. » [4]


La Fête de Josette
    70 ans plus tard, on retrouve une représentation similaire dans La Fête de Josette, un livre illustré faisant partie d'une collection pour petites filles, publié en France en 1935.
     Pour fêter ses huit ans, Josette reçoit entre autres cadeaux d'anniversaire un paquet contenant un volant et une raquette. À son grand contentement car, comme elle l'annonce : « Je vais montrer à mes poupées comment je joue avec ça, et elles seront très étonnées ».
    Cette illustration de la britannique Honor Charlotte Appleton a été initialement publiée en 1920, chez Blackie & Son Ltd, dans Josephine's Birthday de Mrs. H. C. Cradock (an English children's book writer), et est la plupart du temps présentée sous le titre : « Battledore for the Dolls ».
    À en croire l'indication portée au crayon, d'une écriture enfantine, sur la page de garde de l'exemplaire en français consulté, ce ouvrage a été offert en 1941 à une petite fille de six ans prénommée Brigitte !
    Ainsi, en France, au tournant des années 40, le jeu du volant était encore un amusement pouvant intéresser de très jeunes lectrices, où tout au moins un divertissement quelles étaient censées connaître... En tout cas bien mieux connaître que le badminton qui, dans l'hexagone, en était, lui, à ses balbutiements !

Illustration de Honor Charlotte Appleton, in Mrs. H. C. Cradock, La Fête de Josette,
(adaptation de Josephine's Birthday, 1920, par Gisèle Vallerey),
Paris, Fernand Nathan, 1935 — © Collection particulière


   Dans nos recherches, nous avons croisé deux autres images de livres à destination des « aimables enfants » associant, avec toutefois une forte incertitude pour le premier, les accessoires de l'innocent Jeu du volant et celui de la Poupée :
    - la première gravure (voir ci-dessous), où les jouets tenus en main rappellent des raquettes... à moins que ce ne soient des hochets..., figure dans un recueil datant de 1806 : Les Jeux de la poupée ou Étrennes des Demoiselles, avec une Explication en Vers Français dédié aux Princesses Charlotte, Fénaïde-Julie et Charlotte, Filles de leurs Altesses Impériales le Prince et la Princesse Joseph, Paris, chez A. Noël. (Source Gallica BnF)
    - la seconde, où raquettes et volants sont abandonnées au sol, illustre un livre de Mme Doudet, publié en 1882 : La Poupée de Bébé. Aventures merveilleuses d'une poupée qui parle, Paris, Librairie Théodore Lefèvre et Cie. (Source Gallica BnF)

 

[3] Le Beau jeu de la jolie poupée de la petite fille bien obéissante. Avec des Alphabets, un Syllabaire et des Historiettes pour amuser mes petites amies, Paris, Delarue, 1855 (Source Gallica.BnF).
[4] Marie-Françoise Boyer-Vidal, « L'éducation des filles et la littérature de poupée au XIXe siècle », in Paul pasteur, Marie-Françoise Lemmonier-Delpy, Martine Gest et Bernard Bodinier (sous la direction de), Genre et Éducation. Former, se former, être formée au féminin , Mont-Saint-Aignan, Presses Universitaires de Rouen et du Havre, 2009, pp. 217-233.
Disponible en lecture sur OpenEdition, en cliquant ICI.

 

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Gravure en taille douce, in Les Jeux de la poupée ou Étrennes des Demoiselles, 1806

 

Mme Doudet, La Poupée de Bébé. Aventures merveilleuses d'une poupée qui parle, Paris, Librairie Théodore Lefèvre et Cie, 1882

 


Biblio :
-
Marie-Françoise Boyer-Vidal, « L'éducation des filles et la littérature de poupée au XIXe siècle », in Paul pasteur, Marie-Françoise Lemmonier-Delpy, Martine Gest et Bernard Bodinier (sous la direction de), Genre et Éducation. Former, se former, être formée au féminin, Mont-Saint-Aignan, Presses Universitaires de Rouen et du Havre, 2009, pp. 217-233.
Disponible en lecture sur OpenEdition, en cliquant ICI.
 

 

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