«This fair child of mine» – Charles Robinson (1915)
Cette illustration d'un angélique joueur de battledore and shullecock, portant haut-de-chausse ou culotte bouffante, est l'œuvre de l'artiste britannique Charles Robinson (1870-1937). Elle est extraite du recueil The Songs and Sonnets of William Shakespeare, publié chez Duckworth & Co à Londres, en 1915 et disponible sur Internet Archive.
Charles Robinson est connu pour avoir illustré nombre de contes de fées et de livres pour enfants, notamment des œuvres de Stevenson, Charles Perrault, Grimm et Alice au Pays des merveilles de Lewis Carroll.
L'aquarelle apparaît en Frontispice du sonnet, ici, intitulé A Revival (Renaissance) mais habituellement appelé 2ème sonnet ou encore Lorsque quarante hivers. Ces vers ouvrent une série de dix-neuf poèmes dédiés à un jeune homme, que Shakespeare exhorte à se marier et à procréer avant que les ans ne détériorent sa beauté. Beauté qui renaîtra et se perpétuera dans celle du bel enfant à venir, «Prouvant que sa beauté de la [s]ienne est issue» !
Ce sonnet fait partie des 154 composés par Shakespeare au tournant du XVIIème siècle, approximativement entre 1599 et 1609 (date de publication du premier recueil les rassemblant : Shake-speares Sonnets, un trait d'union qui alimenta les débats sur leur réelle paternité).
Le titre de l'illustration, «This fair child of mine» («Ce bel enfant né de moi»), mentionné dans la «Liste des illustrations», emprunte au 3ème quatrain du sonnet (voir ci-dessous).
Au nombre de 154, les Sonnets furent composés par Shakespeare autour de 1599 et 1609 (date de publication du premier recueil les rassemblant).
A Revival
«When forty winters shall besiege thy brow,
And dig deep trenches in thy beauty's field,
Thy youth's proud livery, so gazed on now,
Will be a tatter 'd weed, of small worth held :
Then being ask'd where all thy beauty lies,
Where all the treasure of thy lusty days,
To say, within thine own deep sunken eyes,
Were an all-eating shame and thriftless praise.
How much more praise deserved thy beauty's use,
If thou couldst answer "This fair child of mine
Shall sum my count and make my old excuse,"
Proving his beauty by succession thine !
This were to be new made when thou art old,
And see thy blood warm when thou feel'st it cold.»
Les traductions sont diverses et variées. Nous en avons retenu deux, la première de 1872, la seconde de 2007.
Traduction de François-Victor Hugo (4ème fils de Victor Hugo), parue en 1872 dans le Tome XV des Œuvres complètes de W. Shakespeare, 2ème édition, p. 126 (disponible sur Gallica-BnF) :
«Lorsque quarante hivers assiégeront ton front
Et creuseront des tranchées profondes dans le champ de ta beauté,
La fière livrée de ta jeunesse, si admirée maintenant,
Ne sera qu’une guenille dont on fera peu de cas.
Si l’on te demandait alors où est toute ta beauté,
Où est tout le trésor de tes jours florissants,
Et si tu répondais que tout cela est dans tes yeux creusés,
Ce serait une honte dévorante et un stérile éloge.
Combien l’emploi de ta beauté mériterait plus de louange,
Si tu pouvais répondre : "Ce bel enfant né de moi
Sera le total de ma vie et l’excuse de ma vieillesse ;"
Et si tu prouvais que sa beauté est tienne par succession !
Ainsi tu redeviendrais jeune alors que tu vieillirais,
Et tu verrais se réchauffer ton sang quand tu le sentirais se refroidir.»
Traduction d'Yves Bonnefoy in Shakespeare, Les sonnets précédés de Vénus et Adonis et du Viol de Lutèce, © Poésie/Gallimard, 2007 (Source Actu-poète : «Sonnet II de Shakespeare») :
«Lorsque quarante hivers envahiront ta face
Pour labourer profond le champ de ta beauté.
Que sera ta fière jeunesse, que tous admirent ?
Une vêture en loques, de nul prix.
Et si on te demande alors, cette beauté,
Où est-elle, où sont-ils, ces joyaux de tes jours d’ardeur,
Dire, mais ils sont là, dans mes yeux caves,
Ah, l’absurde forfanterie ! Tu mourrais de honte.
Bien plus serait loué l’emploi de ta beauté
Si tu pouvais répondre : ce bel enfant
Éteint ma dette, excuse mon grand âge,
Puisque cette beauté lui vient de moi.
Ce serait là renaître, même vieillard,
Chaud te serait ton sang désormais de glace.»
Quatre autres versions sont disponibles sur le blog «Le Bar à poèmes», notamment celle de Piere Jean Jouve (1955) qui fait plus ou moins référence...