Comment Raccommoder soi-même ses raquettes !
Au début du XXème siècle, de jeunes enfants jouaient encore à la raquette et au volant, «cette couronne de plumes que les joueurs doivent se renvoyer l'un à l'autre». Les garçons ne boudaient pas ce jeu ancien trop souvent présenté comme une distraction essentiellement prisée des petites filles et considéré comme un aimable exercice convenant avant tout à l'éducation des demoiselles, car seyant à la dite grâce féminine.
Aussi Le Petit Inventeur, un hebdomadaire illustré destiné à la jeunesse intelligente et active (comme il se présentait), trouva opportun, en 1925, d'expliquer à ses lecteurs l'art et la manière de raccommoder eux-mêmes leurs raquettes [1].
Le terme recorder ne semblait pas être encore de mise. Il s'agissait de raccommodage, à la manière dont les mères de famille raccommodaient les vêtements déchirés et autres chaussettes trouées, pour les faire durer et... économiser.
Concernant la raquette, le but était de prolonger, à moindre frais, l'usage de cet «ustensile particulier», constitué d'un «cadre ovale en bois de frêne [dans lequel] est tendu un lacis ou quadrillage en matière élastique sur laquelle rebondit [...] le volant».
Le Petit Inventeur, n ° 120, 30 juin 1925, p. 2. Consultable sur Gallica-BnF
Mais, à force des frottements continuels du volant (ou de la balle), et malgré leur résistance, ce «genre de corde, constatait le journaliste de l'hebdomadaire pour enfants dégourdis, s'use graduellement, [..] s'effile [et] se rompt et tout le quadrillage formé de fils entrelacés se détend laissant un vide plus ou moins grand dans le cadre».
Les temps n'étant pas aux dépenses inutiles, mais à la débrouillardise, Le Petit Inventeur expliquait à ses jeunes lecteurs comment effectuer soi-même cette réparation, plutôt que de dépenser des sous en «renvoy[ant] l'instrument au fabricant», ou en le mettant au rencard, «ce qui est onéreux» !
L'apprenti bidouilleur devait commencer par se procurer de la corde à boyau, en se rendant, par exemple, chez «un marchand d'accessoires pour instruments de musique», acheter une corde à violon, plutôt d'ailleurs un La ou un Ré (le diamètre du Sol étant, sans doute, jugé trop épais et celui du Mi trop fin... Pour mémoire, un violon ne possède que 4 cordes, correspondant aux notes sol - ré - la - mi).
Astucieusement, il était conseillé «avant de commencer le travail, de ramollir la corde en question dans de l'eau à la température ordinaire» en l'y laissant « séjourner toute une nuit ». Le lendemain, il convenait de nouer l'extrémité de la corde, préalablement bien essuyée, «au brin rompu» par un «nœud de couturière», judicieusement positionné à l'extérieur du cadre (voir schéma), de la tendre modérément et de terminer en rattachant le «boyau neuf a ce qui reste de l'ancienne» corde, par un nœud tout aussi solide ! (pour plus de détails, toutefois difficiles à bien saisir, se référer à l'article du Petit Inventeur !)
L'opération de ramollissement nocturne prenait alors tout son sens, car : «le boyau en séchant se raccourcit et le quadrillage se tend reconstituant alors une sorte de tissu élastique sur lequel [...] le volant rebondit en puisant un nouvel élan sur cette espèce de tremplin» !
Merci Le Petit Inventeur !
Raquettes et volants. Extrait d'un coffret contenant deux autres jeux apparentés (Jeu des Grâces et Jeu du Volant à Cornet)
Vendu, début XXème, par la magasin de jouet parisien Au Paradis des Enfants (156, rue de Rivoli - 1, rue du Louvre),
Dimensions de la raquette : 48 x 19,5 cm
© Acquisition de Jean-Jacques Bergeret, Membre de la Commission Culture à la FFBaD
Pour ceux qui souhaiteraient approfondir le sujet, nous conseillions une plongée dans les entrailles de : L'Art du boyaudier. Mémoire rédigé en 1822 par Antoine-Germain Labarraque, pharmacien à Paris et membre de la Société de Médecine, publié à Paris, par l'Imprimerie de Madame de Huzard et disponible Ici.
Notes :
[1] Le Petit Inventeur, n ° 120, 30 juin 1925, p. 2. Consultable sur Gallica-BnF, Ici.
[2] Le travail du boyaudier était considéré comme un des «plus dégoûtants [...], surtout à cause de l'horrible puanteur qu'exhalent non seulement les boyaux en putréfaction, mais aussi tous les ustensiles qui servent à la manutention, et qui sont en quelque sorte incrustés de matières corrompues» (Cf. «L'art du Boyaudier», in A.-M. Dessables, L'Art de fabriquer et d'améliorer les cuirs et les peaux de toute espèce [...], Tome second, Paris, Librairie Historique et Encyclopédique des Arts et Métiers, 1830, p. 151-152. Disponible en ligne sur Gallica-BnF, en cliquant Ici). Voir ci-dessous l'extrait concernant la fabrication des Cordes à Raquettes et comment les «mettre en couleur»...
Extrait de A.-M. Dessables, L'Art de fabriquer et d'améliorer les cuirs et les peaux de toute espèce [...],
Tome second, Paris, Librairie Historique et Encyclopédique des Arts et Métiers, 1830, p. 151-152.
Disponible en ligne sur Gallica-BnF, en cliquant Ici