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Publié par Frédéric Baillette

    Au début du XXème siècle, de jeunes enfants jouaient encore à la raquette et au volant, «cette couronne de plumes que les joueurs doivent se renvoyer l'un à l'autre». Les garçons ne boudaient pas ce jeu ancien trop souvent présenté comme une distraction essentiellement prisée des petites filles et considéré comme un aimable exercice convenant avant tout à l'éducation des demoiselles, car seyant à la dite grâce féminine.

    Aussi Le Petit Inventeur, un hebdomadaire illustré destiné à la jeunesse intelligente et active (comme il se présentait), trouva opportun, en 1925, d'expliquer à ses lecteurs l'art et la manière de raccommoder eux-mêmes leurs raquettes [1].
    Le terme recorder ne semblait pas être encore de mise. Il s'agissait de raccommodage, à la manière dont les mères de famille raccommodaient les vêtements déchirés et autres chaussettes trouées, pour les faire durer et... économiser.
    Concernant la raquette, le but était de prolonger, à moindre frais, l'usage de cet «ustensile particulier», constitué d'un «cadre ovale en bois de frêne [dans lequel] est tendu un lacis ou quadrillage en matière élastique sur laquelle rebondit [...] le volant».

 

Le Petit Inventeur, n ° 120, 30 juin 1925, p. 2. Consultable sur Gallica-BnF

 

    Un maillage non plus réalisé en «ficelle de chanvre», peu solide et s'effilochant rapidement, mais plutôt avec «une substance animale : la corde à boyau préparée par les boyaudiers à la suite de diverses manipulations destinées à lui donner la grosseur voulue» ! (voir en fin d'article, l'« art » de confectionner des «Cordes à raquettes», extrait de L'Art des Boyaudiers, publié en 1830).
   
Raquette en bois (et ficelle !) fin XIXème
    Les ouvriers boyaudiers travaillaient (et travaillent encore, mais différemment), dans des boyauderies, à la préparation des boyaux des animaux de boucheries (intestins de porcs, bœufs, chèvres, chevaux, mais aussi de chiens et de chats...). Ils produisaient notamment des boyaux soufflés, destinés à servir d'enveloppe pour la conservation de substances alimentaires, mais aussi des cordes à boyaux : cordes à destination des rémouleurs, des tourneurs, cordes pour instruments de musique (violons, harpes, guitares, etc.), dites harmoniques et appelées chanterelles, et enfin des cordes pour raquettes (avec des «boyaux de qualité inférieure») et des cordes pour fouets ! [2].
 

    Mais, à force des frottements continuels du volant (ou de la balle), et malgré leur résistance, ce «genre de corde, constatait le journaliste de l'hebdomadaire pour enfants dégourdis, s'use graduellement, [..] s'effile [et] se rompt et tout le quadrillage formé de fils entrelacés se détend laissant un vide plus ou moins grand dans le cadre».

    Les temps n'étant pas aux dépenses inutiles, mais à la débrouillardise, Le Petit Inventeur expliquait à ses jeunes lecteurs comment effectuer soi-même cette réparation, plutôt que de dépenser des sous en «renvoy[ant] l'instrument au fabricant», ou en le mettant au rencard, «ce qui est onéreux» !
    L'apprenti bidouilleur devait commencer par se procurer de la corde à boyau, en se rendant, par exemple, chez «un marchand d'accessoires pour instruments de musique», acheter une corde à violon, plutôt d'ailleurs un La ou un (le diamètre du Sol étant, sans doute, jugé trop épais et celui du Mi trop fin... Pour mémoire, un violon ne possède que 4 cordes, correspondant aux notes sol - ré - la - mi).
    Astucieusement, il était conseillé «avant de commencer le travail, de ramollir la corde en question dans de l'eau à la température ordinaire» en l'y laissant « séjourner toute une nuit ». Le lendemain, il convenait de nouer l'extrémité de la corde, préalablement bien essuyée, «au brin rompu» par un «nœud de couturière», judicieusement positionné à l'extérieur du cadre (voir schéma), de la tendre modérément et de terminer en rattachant le «boyau neuf a ce qui reste de l'ancienne» corde, par un nœud tout aussi solide ! (pour plus de détails, toutefois difficiles à bien saisir, se référer à l'article du Petit Inventeur !)
    L'opération de ramollissement nocturne prenait alors tout son sens, car : «le boyau en séchant se raccourcit et le quadrillage se tend reconstituant alors une sorte de tissu élastique sur lequel [...] le volant rebondit en puisant un nouvel élan sur cette espèce de tremplin» !

    Merci Le Petit Inventeur !

 

Raquettes et volants. Extrait d'un coffret contenant deux autres jeux apparentés (Jeu des Grâces et Jeu du Volant à Cornet)
Vendu, début XXème, par la magasin de jouet parisien Au Paradis des Enfants (156, rue de Rivoli - 1, rue du Louvre),
Dimensions de la raquette : 48 x 19,5 cm
© Acquisition de Jean-Jacques Bergeret, Membre de la Commission Culture à la FFBaD

 

    Pour ceux qui souhaiteraient approfondir le sujet, nous conseillions une plongée dans les entrailles de : L'Art du boyaudier. Mémoire rédigé en 1822 par Antoine-Germain Labarraque, pharmacien à Paris et membre de la Société de Médecine, publié à Paris, par l'Imprimerie de Madame de Huzard et disponible Ici.

Notes :
[1] Le Petit Inventeur, n ° 120, 30 juin 1925, p. 2. Consultable sur Gallica-BnF,  Ici.
[2] Le travail du boyaudier était considéré comme un des «plus dégoûtants [...], surtout à cause de l'horrible puanteur qu'exhalent non seulement les boyaux en putréfaction, mais aussi tous les ustensiles qui servent à la manutention, et qui sont en quelque sorte incrustés de matières corrompues» (Cf. «L'art du Boyaudier», in A.-M. Dessables, L'Art de fabriquer et d'améliorer les cuirs et les peaux de toute espèce [...], Tome second, Paris, Librairie Historique et Encyclopédique des Arts et Métiers, 1830, p. 151-152. Disponible en  ligne sur Gallica-BnF, en cliquant Ici). Voir ci-dessous l'extrait concernant la fabrication des Cordes à Raquettes et comment les «mettre en couleur»...

Extrait de A.-M. Dessables, L'Art de fabriquer et d'améliorer les cuirs et les peaux de toute espèce [...],
Tome second, Paris, Librairie Historique et Encyclopédique des Arts et Métiers, 1830, p. 151-152.

Disponible en  ligne sur Gallica-BnF, en cliquant Ici

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