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Publié par Frédéric Baillette

    L'article qui suit complète le précédent consacré à «L'art et les manières de jouer au volant». Il rassemble quelques indications, précautions et «conseils» pour «bien jouer au volant». De menus indices provenant de sources disparates, glanés au gré de découvertes éparses, allant de bribes de définitions formulées dans des dictionnaires du XVIIIème siècle à des recommandations publiées à la toute fin du XIXème dans un ouvrage portant sur La Gymnastique des Demoiselles.

E. Angerstein et G. Eckler, La Gymnastique des Demoiselles, 1892, p. 109

E. Angerstein et G. Eckler, La Gymnastique des Demoiselles, 1892, p. 109

Jouer Roide !
    Une première indication pour jouer correctement au volant apparaît au détour de la définition de l’adjectif «Roide», publiée en 1798 dans le Dictionnaire de l’Académie Françoise. Un des exemples illustrant le terme nous donne une information sur les trajectoires qui étaient à privilégier : «On dit que, pour bien jouer au volant, il faut jouer bas et roide.»
    C’est-à-dire raide (on tombait «roide mort»). Roide doit être ici pris dans le sens de tendu et de rapide. On dit ainsi que «les hirondelles, les pigeons, ont le vol roide, l’aile fort roide, pour dire, qu’ils ont l’aile forte, qu’ils volent rapidement».
    Dans l’exemple, du jeu du volant, le rédacteur précise que «Roide, est […] pris adverbialement, et signifie, Vite». Le premier exemple d’utilisation donné se rapporte d'ailleurs à la vélocité d’une flèche : «Cela va aussi roide qu’un trait d’arbalète» [1] .

Dictionnaire de l'Académie Françoise, Tome 2, 1798 (5ème édition)



    L’expression est reprise en 1855, par P. Poitevin dans son Dictionnaire de la Langue Française, pour signifier «vite, vivement» :

P. Poitevin, «Roide ou Raide», in Dictionnaire de la Langue Française,
Glossaire de la langue écrite et parlée, 1855, p. 875


    Tous les volants n’étaient donc pas renvoyés tranquillement.
    Les trajectoires ici identifiées apparaissent tendues et rapides («bas et roide»). Rappelant celles du drive en badminton.
    C’est cette impression d’échanges vifs et appuyés qui ressort des attitudes des deux clercs disputant une partie de volant sculptée dans le bois d’uns stalle au début du XVIème siècle : voir sur ce même blog «“Miséricorde” et jeu du volant, en 1522».
    L’objectif n’étaient pas uniquement de multiplier les échanges ad libitum, mais comme en jeu de paume, de porter aussi des coups gagnants, provoquant la faute de son adversaire.

    Une intention que semble conforter l’exemplification de la définition du mot «Reste», dans le Dictionnaire de l’Académie Française de 1778 :
    «On dit au jeu de Paume, du Volant [c’est nous qui soulignons], etc. Donner le reste à quelqu’un, pour dire, Lui pousser la balle, le volant de telle force qu’il ne puisse les renvoyer. Je lui ai donné son reste» ! [2]

Dictionnaire de l’Académie Françoise, Tome 2, 1778 (nouvelle édition)


    Ces parcelles d’informations donnent une vision dynamique et agonistique du jeu, tout au moins à ses débuts.

    Si l’on se fie aux premières illustrations connues, toutes masculines, mettant en scène cet amusement (voir «Le Volant, un jeu de "garnements" ?» et «Le jeu du volant : un "drôlerie" !»), le jeu était bien plus offensif que les représentations qui en seront ensuite données. En se féminisant, le Volant prit la forme d’un agréable divertissement, où le «bel emplumé» se mit à voleter allégrement de raquette en raquette.

    Mis à part ces minces indications de trajectoires et de vivacités, on trouve à la toute fin du XVIIIème siècle, un bref conseil sur la bonne tenue d’une raquette formulé par la Comtesse de Genlis (Madame de Sillery-Brulart).
    Chargée de l'éducation du futur Roi de France, Louis-Philippe alors âgé de 8 ans et de son frère cadet, le Duc de Montpensier (7 ans), elle leur fit notamment pratiquer le Volant et notera dans ses Leçons d’une Gouvernante : «II faut, pour y bien jouer, ne pas tenir la raquette en avant, près de l’estomac, ni au-dessus de la tête, mais la tenir de côté et pousser ainsi le volant.»
    Et de préciser, pour l'équilibre du corps, d’habituer les enfants «à jouer également des deux mains» [3] .
 

Madame de Sillery-Brulart, Leçons d'une Gouvernante à ses élèves, 1791

   
    Des conseils qui seront, à peu de chose près, repris un siècle plus tard par Mme Jules Samson dans Une Éducation dans la famille. Conseils pratiques d’une mère [4].

     C'est l'une des rares fois (excepté lorsqu'il s'agit de jongler seul avec un volant) où il est indiqué que la raquette ne doit pas être tenue au-dessus de la tête (mais de côté). La plupart du temps joueuses et joueurs de volant seront représentés avec une raquette haute. Une position progressivement adopté par les enfants, selon ces «Observations sur un nouveau-né» mentionnées par les Annales de la Faculté des Lettres de Bordeaux en janvier 1883 :


 

Privilégier les trajectoires «faisant bien la roue»
   Le XIXème siècle sera tout aussi modeste en indications, excepté vers sa toute fin, lorsqu’un premier traité de Gymnastique intègrera le jeu dans l’éducation physique des demoiselles.

    La composante dynamique va totalement disparaître au profit d’une vision plus calme, quasi stationnaire du jeu qui devient un exercice convenant surtout, si ce n’est essentiellement, au sexe charmant (fillettes, demoiselles et jeunes femmes), ainsi qu’aux convalescents.
    Les trajectoires tendues semblent dès lors évacuées au profit de formes montantes et arrondies.
    Si en 1850, dans Le Bonheur des enfants, l’Abbé Laurence de Savigny fait état de retours en «ligne droite», c’est pour indiquer que ces volants (mal envoyés) doivent être remis «en bonne route», «en faisant bien la roue» [5]. Peut-être en référence à la roue du paon… soit sur une trajectoire parabolique, plus aisée à récupérer :

Abbé Laurence de Savigny, Le Bonheur des enfants, 1850, p. 138

 

Pour « bien jouer au volant »

Abbé Laurence de Savigny, Le Bonheur de enfants, chapitre N°35 : «Le volant et la balle»,
Paris, Chez Aubert et Cie, non daté, très certainement 1850, pp. 138-139.


    Les échanges rapides ne sont plus de mise, il importe au contraire de ralentir la circulation du volant. En 1882, Frédéric Dillaye conseille ainsi dans le Journal de la Jeunesse d’écarter les plumes des volants neufs afin d’en réduire la vitesse :
     «Les plumes, explique-t-il, assurent sa direction en le faisant tourner sur son axe. Étant légèrement inclinées, l’air en les frappant leur imprime un mouvement de rotation qui se communique au jouet et augmente sa vitesse. Il est bon, lorsqu’on achète un volant neuf, d’écarter un peu les plumes, car la révolution du volant sur son axe dépend totalement de l’impulsion du vent sur la surface oblique de ses plumes.» [6]

    Il reprend cette même explication, en 1885, dans son ouvrage sur Les Jeux de la jeunesse, avec une petite touche scientifique (le mouvement de rotation devenant hélicoïdal) [7] :
 

Frédéric Dillaye, Les jeux de la Jeunesse, 1885, p. 240

 

S’exercer (surtout) sans se fatiguer
    Pour progresser et bien jouer à un jeu somme toute simple, il suffit de s’y exercer. De la répétition naîtrait le progrès, à condition de bien choisir son matériel et de ne pas trop se dépenser physiquement :
    « Ce jeu ne s’apprend que par l’exercice et l’habitude, soutien dans les années 1840 l’Alphabet Gymnastique. Dédié aux enfants studieux. En conséquence, il y a peu de règles à prescrire, car on ne peut se donner l’œil plus ou moins juste. L’essentiel est de s’étudier d’abord à choisir des volans bien faits, des raquettes légères dont le filet soit bien tendu, dont le manche ne soit point gauche. Il faut bien recevoir le volant, ne jamais le laisser tomber, ou le relever adroitement. Il faut que le corps et la main ne changent pas pour ainsi dire de place ; que le volant soit tenu à peu de hauteur horizontalement, les raquettes à peu près droites, et le mouvement du bras très-doux [c'est nous qui soulignons]. On peut de cette manière faire des parties de deux à trois cents coups, et en compter jusqu’à mille.» [8]

 

Alphabet Gymnastique, vers 1840, p. 70 – Source Galica-BnF

 

    Pour faire durer les échanges, surtout ne pas se fatiguer ! Il importe avant tout d’économiser ses gestes et de se focaliser sur le volant pour le retourner avec élégance :
    «Le fin du jeu, explique Ph. Daryl en 1889 dansLes jeux de plein air pour les jeunes filles”, consiste à s’agiter le moins possible ou le plus posément qu’on peut, en surveillant toujours le volant dans sa course, pour le frapper avec grâce quand il arrive à portée.» [9]

    En 1856, Guillaume Belèze qui reprenait les recommandations données en 1846 par Madame Celnardt dans son Nouveau Manuel des Jeux de Société [10] , insistait déjà sur la quasi-nécessité de rester à la même place. Surtout ne pas s’éparpiller en déplacements inutiles. Et, pour se faire, bien doser la puissance de ses renvois :
    «Deux bons joueurs, écrivait-il dans les Jeux des Adolescents (ouvrage qui connut au moins 5 éditions), ne doivent ni s'agiter outre mesure ni courir de côté et d'autre, mais suivre attentivement de l'œil le volant qui traverse les airs, le guetter et se tenir prêts à le repousser : ils doivent aussi mesurer la force du coup de la raquette sur la distance qui les sépare l'un de l'autre, de telle sorte qu'ils gardent pour ainsi dire la même position pendant tout le cours d'une partie.» [11]

 

Madame Celnart [Élisabeth-Félicie Bayle-Mouillard],
Nouveau Manuel des Jeux de Société,
renfermant tous les jeux qui conviennent aux jeunes gens ses deux sexes
,
Paris, Librairie Encyclopédique De Roret, 1846, p. 48 («Le Volant»)


    L’Alphabet Illustré des jeux de l’enfance reprendra la même formulation : «Il ne faut pour y jouer avec succès, ni s’agiter, ni courir de côté et d’autre ; il faut seulement suivre le volant de l’œil et se tenir prêt à le repousser.» [12]
    Préconisation reprise en 1885 par Frédéric Dellaye dans ses Jeux de la Jeunesse (mais il est vrai qu’alors les auteurs recopiaient, à quelques détails près, les écrits de leurs prédécesseurs) : «Pour bien jouer au volant, il ne faut ni s’agiter ni courir, mais se tenir le plus possible à la même place» [13].

 

Un peu de « pédagogie »
    En 1883 Napoléon-Alexandre Laisné, militaire et gymnasiarque, considéré comme le promoteur de la Gymnastique en France et père de l'introduction de la gymnastique médicale dans l'institution hospitalière [14], publie un ouvrage destiné à la formation des monitrices de gymnastique et des institutrices : Gymnastique des demoiselles à l’usage des Écoles Normales de lycées et collèges de jeunes filles des pensions et des écoles.
    Dans cet ouvrage, plusieurs fois réédité, il donne, figures à l’appui, des informations pour pratiquer «les jeux le plus en usage [en s’astreignant] aux règles qui en rendent la pratique si agréable et si attrayante» (p. XII), en commençant par le Jeu de volant.
    Dans les trois pages (reproduites ci-dessous), les gestes appropriés à la réception et au renvoi du volant relèvent de la sobriété et du contrôle du corps (féminin). Pour ne pas être disgracieuse, la gestuelle doit rester limitée, éviter les outrances. Aussi est-il recommandé (aux Demoiselles) de «n'agir qu'avec un mouvement du poignet», en évitant les amples (et inutiles) mouvements de bras.
    La mise en jeu s'effectue en «jet[ant] le volant en l'air» d'une main (la gauche), puis en frappant le volant à la volée avec une raquette haute (voir Fig. 88), ce qui rappelle la manière dont s'engageaient les Parties de volant disputées au tournant du XVIIIème siècle par le Duc d'Orléans (voir à ce sujet : «La pré-histoire "royale" du Badminton») et l'actuel service de tennis.
    Les échanges préconisés se font raquettes hautes. Le recours à une raquette basse n'apparaît que si le volant a «été mal lancé». Il s'agit alors de s'appliquer, avec des jongles, à le rediriger en l'air «dans une bonne position» (au-dessus de soi), pour le frapper avec une raquette haute.
    Quant aux volants «arrivant à une certaine hauteur», ils doivent pouvoir être renvoyés en adoptant les positions 91 et 92 (voir ci-dessous). L'objectif poursuit étant de «ne pas arrêter la partie», soit de faire durer les échanges en évitant de mettre son partenaire en difficulté, reflétant là la manière la plus commune de jouer au Volant (voir à ce sujet : «L'Art et les manières de jouer au Volant»).

   En conclusion, Napoléon Laisné propose deux exercices, une (intéressante) «modification» et une «manœuvre» pour rendre le jeu plus attrayant  :
    - donner deux raquettes à l'une des deux joueuses qui s'exerce à renvoyer un volant que sa partenaire lui adresse alternativement à droite et à gauche ;
    - accrocher un cerceau (à une perche) au travers duquel les joueuses «s'efforcent de faire passer le volant» !

    Deux idées à creuser !!!

Napoléon Laisné, Gymnastique des Demoiselles, 1883, p. 170

Napoléon Laisné, Gymnastique des Demoiselles, 1883, p. 170

Napoléon Laisné, Gymnastique des Demoiselles, 1883, p. 171

Napoléon Laisné, Gymnastique des Demoiselles, 1883, p. 171

Napoléon Laisné, Gymnastique des Demoiselles, 1883, p. 172

Napoléon Laisné, Gymnastique des Demoiselles, 1883, p. 172

NOTES :

[1] «Roide» in Dictionnaire de l’Académie Françoise. Tome second (L-Z), 1798 (cinquième édition), Paris, Chez J. J. Smits et Cie, 1798, p. 509.
Dans l’édition de 1835, l’exemple intègre le jeu de paume : «On dit que, pour bien jouer à la paume, au volant, il faut jouer bas et roide.», p. 671.
[2] «Reste», in Dictionnaire de l’Académie Françoise, tome 2, L – Z, À Nismes, Chez Pierre Beaume Imprimeur du Roi, 1778 (nouvelle édition), p. 449.
[3] Madame de Sillery-Brulart [Félicité du Crest, Comtesse de Genlis], Leçons d'une Gouvernante à ses élèves ou Fragments d'un Journal, qui a été fait pour l'Education des Enfans de Monsieur d'Orléans, Tome Second, Paris, 1791, «Le Volant», p. 527.
[4] «Pour bien jouer au volant, il faut ne pas tenir la raquette en avant, près de l’estomac, ni au-dessus de la tête, mais la tenir de côté et pousser ainsi le volant. Il faut avoir l’attention d’accoutumer les enfants à jouer également des deux mains.» Mme Jules Samson, Une Éducation dans la famille. Conseils pratiques d’une mère, Paris, Hennuyer Imprimeur-Éditeur, 1893 (3ème édition), pp. 142-143.
[5] Abbé Laurence de Savigny, Le Bonheur de enfants, chapitre N°35 : «Le volant et la balle», Paris, Chez Aubert et Cie, non daté, très certainement 1850 (réédité en 1858 chez A. De Vresse), p. 138-139.
[6] Frédéric Dillaye, «Le jeu de volant», in Le Journal de la Jeunesse : nouveau recueil hebdomadaire illustré , janvier 1882, Paris, Librairie Hachette, p. 218.
[7] Frédéric Dillaye, «Le Volant», in Les Jeux de la jeunesse : leur origine, leur histoire et l’indication des règles qui les régissent, Paris, Imprimerie A. Lahure, 1885, p 240.
[8] Alphabet Gymnastique, Paris, Librairies Locard et Davi, 1830-1848, pp. 67-68 .
[9] Ph. Daryl, «Les jeux de plein air pour les jeunes filles. Le volant», in La Femme, journal bimensuel publié par l’Union Nationale des Amies de la Jeune fille, 1er mai 1889, p. 68.
[10] Madame Celnart [Élisabeth-Félicie Bayle-Mouillard], Nouveau Manuel des Jeux de Société, renfermant tous les jeux qui conviennent aux jeunes gens ses deux sexes, Paris, Librairie Encyclopédique De Roret, 1846, p. 48.
    Repris partiellement, en 1851, dans Bescherelle l’Ainé (sous la direction de), Les Jeux des différents âges chez tous les peuples du monde depuis l’Antiquité la plus reculée jusqu’à nos jours, Paris, Marescq et Cie Éditeurs, p. 50, article «Volant».
[11] Guillaume Belèze, Jeux des Adolescents, Paris, Hachette et Cie, 1856, p. 135.
[12] Alphabet Illustré des Jeux de l’enfance, Paris, Delarue Libraire-Éditeur, p. 78.
[13] Frédéric Dillaye, Les Jeux de la jeunesse : leur origine, leur histoire et l’indication des règles qui les régissent, Paris, Imprimerie A. Lahure, 1885, p. 243.
[14] Cf. Grégory Quin, «A Professor of Gymnastics in Hospital. Napoléon Laisné (1810-1896) introduce Gymnastics at the "Hôpital des Enfants malades"», in STAPS, 2009/4 (n° 86), pp. 79-91. Disponible sur CAIRN.INFO

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