«Doux comme un agneau» : anti-darwinisme et jeu du volant !
Concernant la naissance du jeu du volant, le mystère a (presque) été percé en 1863, par un anti-darwinien facétieux qui, avec un humour so british (difficile à saisir pour une française «grenouille»), a mis en image un cycle de vie, où un poor young Man se transforme en un agneau docile et gambadant, puis en une partie de battoirs et de volant... (a game of Battledores and Shuttlecock).
Série «The Origin of Species, Dedicated by Natural Selection to Dr. Charles Darwin»
Illustrated Times, 20 juin 1863, p. 429.
Illustration également disponible sur : Wikimedia Commons
Cette scène est issue d'une une série de transformations particulièrement abracadabrantesques, intitulée «The Origin of Species, Dedicated by Natural Selection to Dr. Charles Darwin», où des êtres humains évoluent en différentes espèces animales et, parfois, terminent en objets du quotidien.
Ces métamorphoses circulaires, à rebours du développement habituellement soutenu par les tenants de la théorie de l'évolution par sélection naturelle, illustraient des textes de Charles Henry Bennett, tout aussi farfelus et surréalistes, brocardant les théories Darwiniennes.
Parus en 1863 dans l'hebdomadaire londonien The Illustrated Times, ils ont été rassemblés et publiés, en 1872, à titre posthume (plusieurs malheureusement sans leur illustration d'origine) dans Character Sketches and Development Drawings (disponible sur Internet Archive). L'ouvrage s'ouvre par une lettre-dédicace de Charles Henry Bennett à l'adresse de Charles Darwin, se concluant pas une humoristique formule : «Your Disobliged and Grumbling Servant» («Votre serviteur désobligé et grogneur»).
Dans «As quiet as a lamb» (Doux comme un agneau), un jeune homme se donne des allures d'aventurier (voir, dans le texte reproduit ci-dessous, la référence à Bill Hickok, figure emblématique de la conquête de l'Ouest américain), alors qu'il ne serait qu'une poule mouillée (young milksop).
Conquérant de pacotille, il va rapidement se transformer, sans doute au terme d'une pitoyable sélection naturelle, en un animal bêlant («cried "Maa-a-a" distinctly») et cabriolant. Tant et si bien, qu'il finit par se briser en trois morceaux : deux battoirs (Battledores) et un volant (Shuttlecock). De quoi disputer, avec ces pauvres restes (poor remnant), une partie de volant...
AS QUIET AS A LAMB
Yes, poor young Man. They said to him, "You are a quiet as a lamb;" and, what is more to the point, so he was. Yousse him, full length, in our Illustration ; and if he does not look sheepish it is because he is not quite old enough yet.
He went out witch his Umbrella, his long-tailed Coat, and his billycock Hat being under the impression that he would pass very well for a riotous young blade, equal to anything, least of all supposing that folks would know him for the young milksop he was. But, behold you ! there were those who — like you and I are quick at reading character ; and they soon caught sight of the poor fellow's sters old Grandmother, concealed within his green gingham Umbrella They turned up that great green gingham Umbrella, up and up, u till it disclosed the venerable Lady'a cop, and Nose, and withered face and then they pulled out his. Hat into a body to match. "Now", said these keen students of human nature (you and I), "let us look him in the face". So, they looked him in the face until ha came out of all over Wool, walked on all fours, cried "Maa-a-a" distinctly, three times, and capered. He capered till he capered himself all to pieces — that is to say, all to three pieces. Two Battledores and a Shuttlecock, and then those clever ones — you and I — took each a Bat, and played the poor remnant of a coming Sheep, backward and forward, till they were tired of the trouble, and half ashamed of the sport. C. H. B. (Illustrated Times, 20 juin 1863, p. 429-430)
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Traduction réalisée par Jean-Jacques Bergeret
(Membre de la Commission Culture FFBaD et de la Badminton Word Federation - BWF) : DOUX COMME UN AGNEAU
Oui mon pauvre jeune ami. On lui dit "tu es doux comme un agneau", et vraiment c'était bien le cas. Vous le voyez, grandeur nature, dans notre illustration ; et s'il n'a pas l'air embarrassé, c'est parce qu'il n'est pas encore assez vieux. Il est sorti avec son parapluie, son manteau à queue de pie, et son chapeau à la Bill Hickock, pensant sans doute qu'il passerait très bien pour un jeune fougueux et tapageur, à la hauteur, loin de supposer que les gens verraient en lui la poule mouillée qu'il était. Mais attention ! Il y avait ceux qui - comme vous et moi - sont prompts à lire dans la pensée des gens ; et ils ont vite repéré en lui sa vieille grand-mère sévère, cachée dans ce parapluie vert en guingan. Ils ont retourné ce grand parapluie vert en guingan encore et encore jusqu'à découvrir la coiffe, le nez, et le visage flétri de la vénérable dame, et puis ont donné au chapeau du gars une forme qui lui convient. "Maintenant" dirent ces étudiants sérieux de la nature humaine (vous et moi) "regardons le dans les yeux". Dons ils le regardèrent dans les yeux, jusqu'à ce qu'il soit tout couvert de laine, marche à quatre pattes, et pousse des "mêê" distinctement trois fois et fasse des cabrioles. Il fit et refit des cabrioles jusqu'à ce qu'il tombe en morceaux - pour dire vrai, trois morceaux. Deux battoirs et un volant, et alors ces petits futés - vous et moi - prirent chacun une batte, et jouèrent avec les pauvres restes d'un mouton, d'avant en arrière, jusqu'à ce qu'ils soient fatigués de l'affaire et à moitié honteux de l'exercice. |
Quelques autres illustrations signées Charles Henry Bennett, accompagnant la série The Origin of Species, publiée dans le Illustrated Times :
«No. 2. – Beware of the goose when the fox preaches. – (Drawn by C. H. Bennett.)»
Série «The Origin of Species, Dedicated by Natural Selection to Dr. Charles Darwin»
Illustrated Times, 9 mai 1863, p. 333.
«No. 5. – A Monkey Trick. – (Drawn by C. H. Bennett.)»
Série «The Origin of Species, Dedicated by Natural Selection to Dr. Charles Darwin»
Illustrated Times, 30 mai 1863, p. 381.
«No. 6. – What makes your ears so long ? – (Drawn by C. H. Bennett.)»
Série «The Origin of Species, Dedicated by Natural Selection to Dr. Charles Darwin»
Illustrated Times, 6 juin 1863, p. 396.
«No. 7. – "Piggish." – (Drawn by C. H. Bennett.)»
Série «The Origin of Species, Dedicated by Natural Selection to Dr. Charles Darwin»
Illustrated Times, 13 juin 1863, p. 413.
«No. 10. – The Oigin of garotte – (Drawn by C. H. Bennett.)»
Série «The Origin of Species, Dedicated by Natural Selection to Dr. Charles Darwin»
Illustrated Times, 11 juillet 1863, p. 29.
«No. 15. – All's fish that commes. – (Drawn by C. H. Bennett.)»
Série «The Origin of Species, Dedicated by Natural Selection to Dr. Charles Darwin»
Illustrated Times, 29 août 1863, p. 141.