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Publié par Frédéric Baillette

    Vers la fin du XIVème et surtout à partir du XVème siècle, le jeu de (courte) paume devient «le divertissement ordinaire des Rois, des Princes, & de tous les gens de condition», comme l’écrit Charles Hulpeau en 1632, dans son épître ouvrant Le Jeu Royal de la paume (un «Petit livre», dédié à Monsieur Morin, fils du Receveur des Amandes (sic) de la Cour, contenant «la méthode de bien jouer à la Paume» [1]).
    La paume fait alors partie des honnestes exercices du corps, l’un des «plus convenables qui soit», développant «la force du jugement, & l’agilité du corps». Elle fait non seulement travailler le corps mais «peut aussi délecter et récréer l’esprit»  [2] qu’elle « éclaircit & rejiouit ».

    Jouer à la paume «exerce tous les membres du corps», le haut comme le bas, les muscles comme les yeux. Elle  donne «bon pied, bon œil !», fait travailler «à merveille tant le corps que l’haleine» (le souffle, p. 36) et ceci sans péril (ce qui, par exemple, n’est pas le cas du monter à cheval : «Galoper, ou chevaucher brusquement, est souvent cause de rompre & mutiler les conduits spermatiques, & autres particules du corps», sans oublier les éventuelles chutes. Or, le corps du (futur) roi, corps porteur et transmetteur d’un sang Royal, est un bien précieux, à éduquer à la grandeur autant qu’à protéger.

    La paume est l’exercice du corps que les grands du pays et les futurs rois se doivent donc de pratiquer, tant pour leur santé corporelle (la fortification et l’entretien des facultés naturelles), la formation de leur caractère («la vivacité de [leur] esprit»), que pour se délasser des soucis du pouvoir.
    Ainsi, dès leur jeune âge les Enfants de France, fils de rois et princes de sang, doivent-ils être progressivement formés à y jouer.

    Le jeu du volant, qui initie au maniement d’une raquette et développe des habiletés, a très certainement été perçu par les précepteurs, gouverneurs et autres maîtres chargés de leur éducation, comme une introduction à l’Art de la Paume. Le Volant, «qui ne diffère de la Paume que par un peu plus de légèreté dans les instruments, et moins de méthode dans la pratique du jeu» [3], a sans doute été envisagé comme une propédeutique à l’apprentissage de la Paume, ce «roi des jeux et jeux des rois», selon la formule consacrée.
    Ceci, d’autant qu'en Paume, le Volant semblait conférer d’indéniables avantages à ceux qui l’avaient pratiqué et continuaient à s’y adonner. De Mannevieux, dans son Traité sur la connoissance du royal Jeu de Paume (1783), destiné à son altesse royale le Comte d’Artois, Charles-Philippe de France (roi de France et de Navarre de 1824 à 1830, sous le nom de Charles X), ne souligne-t-il pas que les joueurs qui étaient habitués à jouer au volant développaient en Paume une plus grande puissance de frappe lorsqu’ils prenaient une balle à la «volée». Il cite ainsi un certain « M. Tourneporte, comme le joueur qui avoit la volée en secondant la plus foudroyante, il tenoit sa raquette comme au Jeu de volant». Dans un précédent passage, discutant des «tours de poignet» ordinairement employés, il observait déjà que des joueurs qui tenaient «leur raquette à-peu-près comme au jeu de volant [donnaient] de cette façon, sur-tout de volée, des coups imprenables» [4].

    Cet intérêt pour le jeu du volant va de pair avec une attention nouvelle portée aux jeux dans l’éducation corporelle des enfants princiers, dauphins et autres enfants de milieux privilégiés. Il fait partie des mises en mouvement du corps qui entrent dans «la fabrication d’un corps royal, celui d’un garçonnet promis à un destin hors du commun». Le corps du futur monarque doit «à la fois être celui d’un courtisan gracieux et d’un guerrier robuste» [5]. Son allure, sa prestance, autant que sa vigueur et sa robustesse, doivent être à la hauteur du pouvoir monarchique qu'il se doit d'incarner  [6].

    Ainsi le jeu du volant, tout comme le maniement de la balle, faisait-il partie des exercices salutaires, des saines occupations, participant à l’éveil corporel des futurs monarques. Il fait partie des «divertissements actifs», de ceux qui les «changent souvent de place», conseillés par Fénelon [7]. Un jeu distrayant auquel plusieurs monarques continuèrent de jouer, que ce soit pour s’égayer, s’esbattre, en noble et galante compagnie, ou pour s’octroyer un moment de détente «sportive»… La raquette et le volant firent ainsi partie des «menus plaisirs» royaux.

 

Panorama des rois, dauphins, princes, Enfants de France, Fils de France et autres enfants de hautes lignées  ayant joué au volant :

     Si selon Henri-René d’Allemagne (l'un des premiers historiens des jeux), à la Renaissance, François Ier (1494 – 1547) «aimait le jeu de paume et s’y montrait fort habile joueur» [8], nous n’avons rien trouvé de concret qui puisse étayer l’assertion du blog «Plume d’histoire», indiquant qu’il s’adonnait volontiers au jeu du volant («même s’il préfère la paume ») [9] . Si ce ne sont les élucubrations d’un ecclésiastique, l’Abbé Laurence de Savigny, qui dans un ouvrage s’intéressant aux «jeux d’action» des jeunes filles, attribue l’invention du jeu du volant à la sœur de François Ier, Marguerite de Valois-Angoulême !

    En effet, selon cet auteur de nombreux livres pour la jeunesse, celle qui deviendra reine de Navarre (en 1527) aurait «imagin[é] de remplacer les gros boulets en fer dont se servaient les jeunes seigneurs[pour jouer au Bilboquet] par de petites balles ou billettes en bois très-légères, recouvertes d’une enveloppe de velours ou de satin […]. On raconte qu’après la bataille de Pavie [1525], François Ier, emmené prisonnier à Madrid, apprit la nouvelle de l’arrivée de la princesse Marguerite, sa sœur bien-aimée, par une billette ailée [le premier volant !] qu’elle lança en jouant vers les barreaux de sa prison. […] En 1606, le mot volant fut substitué à celui de billette. Un ouvrier ingénieux […] eut l’idée de tailler un morceau de liège en forme de cône, qu’il garnit de cuir ; à l’extrémité plate il perça plusieurs petits trous, où il fit entrer des plumes d’égale longueur.» [10]

    Cet épisode totalement affabulé sera mis en bande-dessinées en 1937 par Bernadette, un hebdomadaire illustré d’obédience catholique, pour petites filles sages et pieuses, en y ajoutant quelques autres touches d’invraisemblance. L’historiette mise en image sur 4 pages, semble directement issue du conte élucubré par l’Abbé de Savigny. Voir l’intégralité de ce «document» dans «L’Apparition du Jeu du Volant, selon (Sainte) Bernadette !» (la dite billette, dont nous retrouverons également trace dans un manuscrit, cité ci-après, s'échangeait avec des tambourins).
 

Jeu du Volant - Berbadette juillet 1937
«Le Jeu du Volant», Bernadette, n° 393, 11 juillet 1937, détail de la Couverture

 

Charles IX (1550-1574)
    Le premier lien avéré entre royauté et jeu du volant transparaît, en juin 1552, dans un portrait de Charles-Maximilien de France, futur Charles IX dont le père, Henri II (1519-1559) était considéré par Brantôme comme l’un des meilleurs joueurs de paume du Royaume [11] . Il jouait notamment «à la corde» (soit au filet), interceptant les balles à la volée (donc comme au jeu du volant).
 

Sur les traces des Volants Royaux

Portrait de CharlesI IX, attribué à Germain Le Manier, 1552
Inscription manuscrite portée à l’encre sur le portrait :
«Charles Maximilian duc d'Orléans en leage de deux ans lan 1552 au mois de juing»


    Ce tableau, exposé au Musée de Condé (Chantilly), est attribué à Germain Le Mannier, appelé aussi Germain Musnier, un peintre actif dans l’entourage royal entre 1537 et 1560. Il «fait partie des premières commandes de Catherine de Médicis [Reine de France, de 1547 à 1559] qui voulait les portraits de ses enfants. Ces portraits remplaçaient le bulletin de santé écrit, par Mme d'Humières la gouvernante des enfants.» (Source site du Château de Chantilly)

    Pour Antonella Fenech Kroke, qui travaille sur le «Culture visuelle du jeu sportif dans la première modernité», ce portrait, tout comme celui du jeune Louis XIV (voir plus loin), signale «l’intégration de l’exercice physique aux pratiques éducatives dans la préparation des jeunes princes au gouvernement de l’État». Elle note toutefois que selon certains historiens la raquette (tout comme le volant) «pourrait […] être un rajout ultérieur» [12]

    Cette petite raquette est représentée cordée, ce qui est plutôt rare (voire énigmatique) à une époque où volants (et balles) étaient principalement échangés avec des palettes de bois (comme nous le verrons sur les illustrations suivantes) ou avec des «timbales».
    La timbale est définie dans le Dictionnaire français de Pierre Richelet de 1706, comme : «Un instrument fait de manière de bois de raquette, qui est couvert de côté & d’autre de parchemin et dont on se sert depuis 9 ou 10 ans pour joüer agréablement au volant, parce que cette timbale venant à frapper le tuïau du volant, elle fait un son qui plaît davantage que celui de la palette.» [13] Nous verrons plus loin que le jeune Louis XV utilisait de telles timbales pour jouer.

    Les premières raquettes cordées étant apparues, en jeu de paume, au XVI siècle, il est plausible qu’un maître paumier-raquetier en ait confectionné une de taille réduite, un jouet, à destination du très jeune Charles IX… ou bien que le portraitiste ait ajouté cet instrument à son tableau pour indiquer que le dauphin était dans la lignée du joueur de paume qu'était son père, Henri II…

    La raquette, avec laquelle pose le futur monarque, pourrait être aussi assimilée à un ersatz de sceptre (et le volant à l’orbe impérial ou crucigère, signifiant l’origine divine du pouvoir royal), deux signes de la puissance d’une autorité souveraine ? Une analogie qui n’a pas échappé à l’affichiste Stéphane Macario qui, en 2019, a réalisé un poster «royal» pour le club de badminton de Saint-Orens (cette affiche est présentée sur le blog Quand le bad s'affiche !, voir : «Portrait de Vétérans en majesté»).

 

SOBAD - Saint-Orens, 2019 - © Stéphane Macario


 

    À noter qu’à la même époque, les dames de la Cour adoptent la Coiffure dite en raquette. Ainsi nommée, selon l'Annuaire des coiffeurs de Paris et des principales villes de France de 1865, «parce que les mèches de cheveux tressées en grillage, imitaient les raquettes qui servent à jouer au volant» [14].
 

Louis XIII (1601-1643)
    Dans son «Journal», Jean Héroard, premier médecin de Louis XIII, indique que le mardy 23 novembre 1604, dans sa quatrième année : «va à la sale des gardes, ou il joue au Volant avec une palette verte, Mr. de Candalle luy jettoit le Volant» (dans toutes ces citations, nous avons conservé l'orthographe de l'époque) [15]. Une activité qu'il semble alterner avec le jeu de balle, puisque deux jours après (le jeudy 25 novembre), Héroard note qu'il «joue à l'estoeuf avec une palette» et a bien faillit blesser Madame (sa mère) «d'un grand coup de battoir qu'il luy rua vers la teste». Le Dimanche 12 mars 1606, il y joue (vers 18h) dans le grand cabinet du Louvre, «avec des volants que la Reine luy avait donnés» avant de «demander à manger» (voir antépénultième ligne de la page du manuscrit, en cliquant ICI ). Le jeu est encore mentionné le 25 juillet de la même année, après le repas du midi : «Prend sa palette [illisible, peut-être pour ?] jouer au volant : peu de temps après fai caca, jaune paille, mol, beaucoup» (voir 29ème ligne de la page de droite du manuscrit, en cliquant ICI.) Le jeu du volant aurait-il des effets laxatifs !
    Il y joue encore dans sa treizième année. Héroard note ainsi dans son journal que le mardy 7 janvier 1614, en matinée, il «va jouer au volant en sa chambre» (plutôt que d'apprendre le latin) (ce passage est repris dans les Fragments des mémoires de Jehan Hérouard publiés en 1838 par Félix Danjou, dans le tome 5 de la 2ème série des Archives curieuses de l'Histoire de France depuis Louis XI jusqu'à Louis XVIII, p. 392). 

    «Grâce [à] Jean Héroard, observe l’historien Thierry Bernard-Tambour, on sait [que Louis XIII] commença l’apprentissage de la paume à 5 ans et demi et que, adolescent, ces parties furent presque quotidiennes » [16] et qu'au moins jusqu'à treize ans, il alternait ce jeu avec celui du volant.

    Il semblerait, si l’on se réfère à cette anecdote moqueuse rapporté par Paul Mahalin dans son roman d'Artagnan, publié en 1890, que Louis le Chaste (comme il «voulait qu’on l’appelât»), adulte couronné, ne dédaignait pas jouer au Volant avec de nobles jeunes-filles, en l’occurrence Mesdemoiselles de La Fayette et de Hautefort à la poitrine piégeuse de volants... :

Jeu du volant - D'Artagnan -

Source : Paul Mahalin, D’Artagnan. Grand roman historique remplissant la période de la vie du célèbre Mousquetaire qui s’étend de la jeunesse des Mousquetaires à Vingt ans après. Les deux Romans d’Alexandre Dumas, 1890, chapitre XXII (« Le jeu de la Reine »), p. 142.


    Au détour de ses Mémoires, Mlle de Montpensier (1627-1693), née Anne-Marie-Louise-Henriette d’Orléans, petite fille d’Henri IV et cousine germaine de Louis XIV, indique qu’à Blois, en 1637 (alors âgée de 10 ans), elle «s’occupois à tout ce qui pouvoit [la] réjouir, qui étoit le plus ordinairement à jouer au volant ou à quelque autre jeu d’action.[…] Monsieur [son père, Gaston d’Orléans] avoit cette complaisance d’en vouloir d’être, et de jouer avec moi des discrétions que je gagnois le plus souvent, dont j’étois payée en montres et toutes sortes de bijoux qui se trouvoient dans la ville. » (Tome I, p. 18 ) [17]

    Dix-huit ans plus tard, en 1655 (âgée de 28 ans), elle y joue encore passionnément avec la comtesse de Frontenac (1632-1707), 23 ans : «Comme j’aime les jeux d’exercice, écrit-elle, j’y jouois deux heures le matin et autant l’après-dinée. […] Je jouois avec madame de Frontenac, qui me disputoit sans cesse, quoiqu’elle me gagnât toujours : car, quoique je jouasse avec plus d’adresse, sa force l’emportoit par-dessus.» [18] Elle continue de s'en divertir deux ans plus tard toujours «pour faire de l’exercice» (cf. Tome Troisième, p. 179).

    Vers 1632, Christine « Roi de Suède » (1626-1689), alors âgée de 6 ans, est portraiturée tenant une raquette (en cuir) et un volant constitué d’un petit bouchon dans lequel sont fixées quatre plumes particulièrement effilées.

Christine de Suède, vers 1632

Christine de Suède, vers 1632

Source de l'image : Wikipedia


    Certes Christine est bien une fille, celle du «plus grand conquérant de l’histoire suédoise, le roi Gustave II Adolphe, […] mais on annonce au roi que c’est un fils. Christine explique elle-même l’affaire : “Je naquis coiffée de la tête jusqu’aux genoux, n’ayant que le visage, les bras et les jambes libres. J’étais toute velue. J’avais la voix grave et forte. Tout cela fit croire aux femmes qui me recevaient que j’étais un garçon. Elles remplirent tout le palais d’une fausse joie, qui abusa le roi lui-même pour ces quelques moments”.» [19]
   
Faute d’héritier mâle, elle sera élevée comme un garçon [20] : «Son père, […] la traite comme un fils l’emmenant souvent dans les camps auprès de ses soldats, lui apprenant très tôt le maniement des armes comme on l’avait fait pour lui-même.» [21]
    «Élevée à la dure[…], elle affecte une apparence négligée et s'astreint à gommer toute féminité dans la façon de s'habiller et dans son comportement» (Wikipédia), et devint «roi de Suède», en 1632, à la mort de son père (tué sur un champ de bataille), alors qu’elle n’a pas encore 6 ans (elle ne règnera par elle-même qu’à partir de 1644).

    En 1652, alors âgée de 26 ans, elle joue au volant avec le célèbre savant Samuel Bochart, un puits d’érudition, qu’elle avait attiré à Stockholm, à la Cour de Hollande.
    Johan Arckenholtz (pamphlétaire et historien suédois), note, dans un ajout figurant en bas de page de ses Mémoires pour servir à l’histoire de Christine Reine de Suède (1751), que «C’était une belle chose à voir, que de voir Mr. Bochart jouer au volant avec la Reine de Suède ! La Reine l’aïant pressé un jour d’y jouer avec elle, il mit manteau bas et joua. Ses amis lui en firent la guerre, & lui dirent, qu’absolument il devait refuser de le faire [22]

    En 1654 elle abdique et quitte la Suède pour la France, où elle est reçue en grande pompe à la Cour de Versailles, par Louis XIV, un autre joueur de volant…`

Louis XIV (1638-1715)
    Dans son enfance, celui qui est surnommé Dieudonné (car la naissance de ce 1er enfant était désespérément attendue), apparaît sur un portrait en pied avec un fin battoir de bois ovale, au manche enrobé de velours et/ou d’une cordelette colorée (le premier grip !). Le futur Roi Soleil, âgé d’environ 7 ans, tient également avec délicatesse, du bout des doigts, un volant réduit à deux plumettes et à un imperceptible «bouchon». Un volant de pacotille, comparé à ceux qu’utilisera, à quelques décennies près, son neveu, Monseigneur le Duc d’Orléans (voir plus loin).

 
Portrait Louis XIV, attribué à Philippe de Champaigne (Amboise, Fondation St-Louis), vers 1650

Portrait Louis XIV, attribué à Philippe de Champaigne (Amboise, Fondation St-Louis), vers 1650


     Grand amateur de jeu de paume, Louis XIV disposait de «tout un état-major qui n’avait d’autres fonctions que de s’occuper de préparer ce divertissement royal» [23]. Le Tome 2 de l’État de la France, rédigé en 1789, par des Bénédictins, nous apprend que, pour accompagner ce Plaisir, le roi disposait de six Marqueurs de Cour ou Paumiers-Raquetiers du Roi et d’un Maitre Paumier. «Concierge des Jeux de Paume de Sa Majesté en ses Maisons Royales», ce dernier était chargé de présenter la Raquette au Roi.
    Les «très-humbles, très-obéissants & très-fidèles » religieux (comme ils signent, leur Épître du tome 1) concluent les lignes qu’ils consacrent à l’exercice de la Paume en faisant remarquer «que les mêmes Paumiers et Marqueurs servent lorsque le Roi joue quelque partie au Volant avec les Raquettes» ! [24]

    Dans le tome X de son Journal où il décrit la Cour de Versailles, le Marquis de Dangeau (Philippe de Courcillon), nous apprend que, le 26 septembre 1704 à Fontainebleau, Louis XIV contraint par le vilain temps de remettre au lendemain la chasse au sanglier prévue, «passa toute l’après-midi chez madame de Maintenon [et qu’en compagnie du] roi d’Angleterre [ils] virent de la tribune, qui est dans cet appartement, jouer au volant dans la grande pièce des Suisses [sans doute l’actuelle salle de Bal, dominée par un balcon] ; les joueurs étoient messeigneurs les ducs de Berry et d’Orléans, secondés par de bons joueurs ; les rois y prirent plaisir et y furent plus d’une heure». Les deux monarques virent également « jouer au volant l’après-midi» du 30 octobre, sans que soit précisé de quels joueurs (ou de quelles joueuses) il s’agissait [25] .

    Les deux ducs dont le jeu captiva, ou tout au moins intéressa, durant un laps de temps conséquent les deux rois sont très certainement :
    - Charles de France (1686-1714), duc de Berry, troisième petit fils de Louis XIV et fils du dauphin Louis de France, dit Monseigneur (nous en reparlerons plus loin) ;
    - et Philippe d’Orléans, Duc d’Orléans (fils du frère cadet de Louis XIV, dit Monsieur – né en 1674, qui assurera la Régence à la mort de Louis XIV (1715) et jusqu’à la majorité de Louis XV (1723).
    La mention de ce Duc est particulièrement intéressante, car il est avéré qu’il disputa des Parties de volant qui s’apparentaient fortement à du Badminton avant l’heure...

    Cette partie de volant entre deux Ducs (alors âgés respectivement de 18 et 30 ans), «secondés par de bons joueurs» de volant, consistait-elle en un banal jeu d’échanges (comme nous nous représentons habituellement cet amusement), ou prenait-elle la forme d’une intense partie de «badminton» avant la lettre. Un «match» tel que décrit en 1767 par François-Alexandre-Pierre de Garsault dans son Art du Paumier-raquetier et de la paume [26]. Une forme de Volant compétitive, disputée par-dessus deux filets, avec des raquettes cordées de demi-paume (plus légères) et des volants aux dimensions fort proches de ceux utilisés aujourd’hui.
    Des Parties, comme le précisait déjà Garsault dans un ouvrage datant de 1761, se jouant «comme à la Paume, en suivant les mêmes règle, & même dans un jeu de Paume». Des rencontres plus fatigantes que la Paume, «attendu qu’il faut employer plus de force pour pousser le volant loin, que pour la Balle. M. le Duc d’Orléans, Régent du Royaume, l’aimoit beaucoup de cette manière ; mais on n’a pas continué depuis » ! Dommage, car, de toute évidence, il s’agissait bien d’une forme embryonnaire de badminton. Voir notamment l'un des articles que nous avons consacré à cette «Pré-histoire “royale” du badminton» (projet Stadium / L’héritage du sport, Musée du Sport de Nice, 2023 [27] ).

    Louis XIV est identifié comme l’un des derniers rois de France amateurs de jeu de paume. À partir de 1678, ses médecins lui recommanderont de cesser de pratiquer à cause de douleurs récurrentes au bras et de la goutte dont il souffre [28] . Il se met alors au billard, «lançant une nouvelle mode à la fois pour la royauté et la haute société» (cf. «Le jeu de paume, le sport des rois qui traverse le temps», lepoint.fr, avril 2015).

    Pour l’anecdote, un chromo publicitaire, édité par les Biscuits Pernod, vers la fin du XIXème, représente Louis XIV jouant au volant :
 

« La Raquette. Louis XIV », Chromo publicitaire, Biscuits Pernot – Dim. 9, 8 x 6, 3 cm

 

    Le fils aîné de Louis XIV, Louis de France (né en 1661), dit Monseigneur, joua lui aussi régulièrement au Volant. Dans son enfance, alors qu’il devait être âgé de 5-6 ans, un certain Bazin lui apprit à y jouer (ainsi qu'à la paume) [29]. Il semble qu’adulte, il en ait gardé la passion, puisque le 5 novembre 1685 (à 24 ans), le marquis Dangeau note dans son journal, qu’à Fontainebleau, Monseigneur «passa la journée à faire des battues, à jouer au volant et à culbas [un jeu de carte]» avec d’autres hauts personnages de la Cour. Il fera encore état des mêmes distractions le 4 et le 5 novembre de l’année suivante, où ce soir-là «il y eut […] un grand jeu de volant» [30].
 

    Le jeu du volant était, semble-t-il, un divertissement particulièrement prisé d'adultes pourtant chargés de viriles fonctions :
    En 1708
, il sera ainsi notamment reproché à Monseigneur le Duc de Bourgogne, petit-fils de Louis XIV et père du futur Louis XV, commandant de l’armée des Flandres, ses «amusements puérils», notamment de ne pas avoir arrêté une partie de volant alors qu'un brigadier était venu lui annoncer la capitulation de la ville de Lille. Ce n’est qu’après avoir achevé sa partie qu’il daigna ratifier les conditions de cette reddition. Dans le tome 16 de ses Mémoires, Saint Simon souligne l’émoi que suscita cette désinvolture : l’émissaire « le trouva jouant au volant […]. La vérité est que la partie n’en fut pas interrompue […] ; Cette réception […] scandalisa fort l’armée avec raison, [et] la cabale en tira de nouvelles armes contre le prince» [31] .
    Une bonne partie de ses journées se consumait en divertissements, paume, billard, et autres «habitudes enfantines» qu’il avait conservées. «Son plaisir favori était le volant. Il y jouait de longues parties avec son frère, et y apportait une telle ardeur qu’il ne s’était pas interrompu», lorsque le texte de la capitulation de Lille lui fut apporté, peut-on encore lire [32].
    En décembre 1708, Fénelon adressera une lettre au Duc de Chevreuse dans laquelle il s’inquiétait de la conduite désinvolte et du manque d’autorité du Duc de Bourgogne qui «a passé, dit-on, de grands temps dans des jeux d’enfants avec M. son frère, dont l’indécence a soulevé toutes les personnes bien intentionnées.» [33]


Louis XV, dit « le Bien-Aimé » (1710-1774)
   
Dans sa dixième année, Louis XV, qui succéda à son arrière-grand-père Louis XIV à l’âge de cinq ans (mais ne régna qu’à sa majorité, à 15 ans, en 1715 – la Régence étant assurée par Monseigneur le Duc d’Orléans), jouait au volant, à la marelle ou à la queue du loup [[34]] sur la terrasse des Tuileries», rapporte le Docteur Rondelet dans son étude sur « La Médecine dans le passé. Comment on élevait les Enfants de France ». Avant de préciser que «dans tous ces jeux il avait pour partenaires habituels les fils des principaux courtisans, ou même de simples gentilshommes» [35].

    Le 2 avril 1722, le Marquis de Calvières (Charles-François) mentionne dans son Journal que «le soir, le roi joua avec ses timbales au volant et rompit les dites timbales, faites de parchemin avec un vernis dessus, façon de la Chine, d'une fabrique nouvelle des Gobelins » [36]. Un vernis dit vernis Martin, du nom d’une fratrie d’artisans vernisseurs qui mit au point une nouvelle laque imitant les laques asiatiques [37] . Les raquettes utilisées par les enfants de hautes lignées étaient souvent finement travaillées et embellies.

    Vers la fin du XIXème siècle, le chocolatier Guérin-Boutron publiera une série de 72 chromos publicitaires consacrée aux «Mots historiques». L’un d’eux met en exergue ce mot célèbre du Maréchal Villeroi (ou Villeroy) qui, désignant la foule venue acclamer le jeune roi (lors de la Saint Louis d’août 1721), aurait déclaré du haut d’un balcon des Tuileries : «Sire tout ce peuple est à vous !». Louis XV, alors âgé de 10 ans, doit prendre conscience qu’il lui faut abandonner les jeux de son enfance (volant, ballon et jouets militaires) pour se consacrer à des choses plus sérieuses.
 


 



    Thierry Bernard-Tambour, note que des «traces de fournitures de volants faites par Etienne-Edmond [paumier du Roi] en 1765 pour le Dauphin, et les comtes de Provence et d’Artois» apparaissent dans les comptes des Menus-Plaisirs (un document administratif comptable listant les dépenses royales) [38] . Il s’agit très certainement de Louis-Auguste de France, futur Louis XVI (né en 1754), alors âgé de 10 ans [39] .

    À la même époque, à en croire l’anecdote rapportée en 1851 par Bescherelle Ainé dans Les Jeux des différents âges chez tous les peuples du monde depuis l’Antiquité la plus reculée jusqu’à nos jours , le futur roi de Prusse, Frédéric-Guillaume II (1744-1797), qui régnera de 1786 à 1797, s’amusait à jongler avec un volant dans le bureau de son père, Frédéric II, dit Frédéric Le Grand :
 

Bescherelle Ainé, (sous la direction de), Les Jeux des différents âges chez tous les peuples du monde depuis l’Antiquité la plus reculée jusqu’à nos jours, Paris, Marescq et Cie Éditeurs, 1851, p. 50, article « Volant » [40]


Maximilien 1er Roi de Bavière (1756-1825)

    En 1760, alors qu'il est âgé de quatre ans, Maximilien Joseph Wittelsbach, qui deviendra Roi de Bavière en 1806 et jusqu'à sa mort sous le nom de Maximilien Ier, est représenté par le portraitiste germano-danois Johann Georg Ziesenis avec une superbe raquette impeccablement cordée et un volant de grande qualité.

    Un volant très certainement constitué d'un bouchon en liège recouvert par-dessous d'un tissus de velours, maintenu par de fines et solides bandelettes d'étoffes cousues. Il est sans nul doute percé sur son dessus d'une série de petits trous dans lesquels sont disposés en corolle une quinzaine de fines plumes uniformes. Ce solide volant est très proche, sinon quasi identique, de ceux qu'utiliseront les premiers joueurs de badminton, depuis son apparition vers 1860 et jusque dans la dernière décennie du XIXème siècle (voir à ce sujet : Geoff Hinder, «1 Dozen Shuttlecocks from 1830 to 1893»)
    Le Jeu du volant, toute en élégances et gracieusetés, fut tout au long du XVIIIème siècle à la mode dans la plupart des cours européennes.
    L'enfant potelé, aux enfantines rondeurs, est saisi dans une attitude dynamique. Comme s'il s'apprêtait à envoyer le volant à un partenaire. Le petit chien tout sautillant qui l'accompagne donne vie à l'image (voir à ce sujet :
«Médor joue au "Badminton"»)
    Aux pieds du futur monarque, un tambour de marche et un fusil grandeur nature, un canon en modèle réduit et des soldats de plomb. Autant d'éléments qui font référence à l'éventuelle carrière militaire qui l'attend (avant d'être Roi, Maximilien sera officier de régiments d'infanterie).
   

Maximilien Joseph Wittelsbach, futur Roi de Bavière, portrait réalisé par Johann Georg Zienesis, 1760 – © Foto olk Verlag

Maximilien Joseph Wittelsbach, futur Roi de Bavière, portrait réalisé par Johann Georg Zienesis, 1760 – © Foto olk Verlag

    Illustration publiée dans Die Wittelsbacher. Ein Jahrtausend in Bilden [Les Wittelsbacher. Un millénaire en images], de S.K.H. Prinz Luitpold von Bayern (Volk Verlag, 2014).
    Avec tous nos remerciements à Thierry Bernard-Tambour, pour nous avoir fait découvrir ce précieux document. Historien du jeu de paume et président du cercle de jeu de paume de Fontainebleau, il est notamment l'auteur, avec Yves Carlier, du passionnant et magnifiquement illustré catalogue de l'exposition Jeu des rois, roi des jeux. Le jeu de paume en France, réalisée du 2 octobre 2001 au 7 janvier 2002 au Musée national du château de Fontainebleau (édité par la Réunion des Musées Nationaux, en 2021).

 

   Vers 1761-1762, Marie-Clotilde de France (1759-1802), petite-fille de Louis XV, alors âgée de 2-3 ans, est portraiturée avec une raquette et un volant. Ce tableau est reproduit, en miniature, sur une luxueuse tabatière décorée des portraits des filles et des petits-enfants de Louis XV et de Marie Leszczynska. Mariée en 1775 au prince héritier de Savoie, elle deviendra Reine de Piémont-Sardaigne en 1796.

Sur les traces des Volants Royaux

Tabatière réalisée en 1761-1762 – par les bijoutiers Jean-Joseph Barrière et J.J. Dailly.
Sont également représentés, sur les autres faces, avec des jouets, les frères de Marie-Clotilde : Louis-Auguste, duc de Berry et futur Louis XVI (avec un cerf-volant), le comte d'Artois, futur Charles X (faisant des bulles de savon) et et Louis-Stanislas, comte de Provence et futur Louis XVIII (avec un sabot - une toupie).
Source : The Walters Art Museum, Baltimore.

 

Louis XVII (1785-1795)
    En 1792, durant la Révolution Française (août 1792), Louis-Charles de France (fils cadet de Louis XVI et de Marie-Antoinette), qui aurait dû régner sous le nom de Louis XVII, est incarcéré avec toute la famille royale à la Tour du Temple, où il «continue ses leçons, suivies ou précédées de récréations». Durant ces laps de temps, le Dauphin, alors âgé de 7 ans, se récrée en jouant, «seul ou avec sa sœur, au ballon, au palet, au volant ou à d’autres jeux» [41].

    Dans ses Mémoires, Jean-Baptiste Cléry, valet de chambre attaché au prince depuis son enfance et qui servit durant cinq mois de leur captivité le roi et sa famille, note qu’il faisait «jouer le jeune prince, soit au ballon, au palet, à la course, soit à d’autres jeux d’exercice», dans le jardin de ce lieu d’incarcération (p. 32). Ou encore, qu’après avoir donné une leçon d’écriture au jeune prince, il «le faisai[t] jouer à la balle ou au volant» dans la chambre de Madame Élisabeth (la sœur de Louis XVI, également emprisonnée) (p. 33). On apprend également qu’après certains repas, «le jeune prince et sa sœur [y] jouaient dans l’antichambre» (p. 53) [42].

    Le volant semble avoir régulièrement occupé le jeune Dauphin en ces sombres moments, puisqu’on relève dans un «journal de demandes faites pour le Roi et sa famille» par Jean-Baptiste Cléry, une commande datant de 1792 comportant : «Deux ballons un peu gros, […] deux paires de raquettes, douze volants, des gros et des petits, etc.» [43]. Les petits peut-être pour jouer en intérieur, les gros pour «l’extérieur». La mention de deux paires de raquettes pourrait indiquer que des parties à quatre ont pu être jouées ou envisagées…
 

Donjon du Temple, vers 1795-1800, © Musée Carnavalet (Paris)



    Après l'exécution de Louis XIV (21 janvier 1793), le jeune Louis sera enlevé à sa mère, Marie-Antoinette (guillotinée le 16 octobre 1793). Finalement enfermé au secret dans une salle obscure, il mourra en captivité à l’âge de 10 ans, emporté par la tuberculose.
 

Louis-Philippe (1773-1850)
    Ce panorama aurait ainsi pu tristement s'achever, si nous n'avions récemment découvert que le dernier roi à avoir régné en France, Louis-Philippe 1er (de 1830 à 1848 sous le titre de «roi des Français»), n'avait lui aussi bénéficié d'une initiation au jeu du volant dans son enfance. Un apprentissage faisant partie de la «Gymnastique», que la Comtesse de Genlis (née Félicité du Crest), adepte d'une pédagogie rousseauiste, mis en place pour fortifier le corps du futur monarque et de son plus jeune frère.
    En janvier 1782, alors qu'elle vient d'être nommée leur Gouvernante, elle dresse un portrait peu reluisant de l'état de santé des deux enfants de la Maison d'Orléans dont désormais l'éducation lui incombe : le Duc de Valois (futur Louis-Philippe), alors âgé de 8 ans et son frère cadet, le Duc de Montpensier (Antoine-Philippe d'Orléans), âgé de 7 ans. (tous deux sont les fils de Louis-Philippe d'Orléans et les arrière-petits-fils de Philippe Duc d'Orléans, un temps Régent du Royaume et, comme nous l'avons vu précédemment, joueur de «badminton» avant l'heure...).
    Dans son Journal (publié en 1791), elle les décrit comme peureux, peu débrouillards, ni lestes ni aguerris, des êtres craintifs, faibles et pleurnichards, «n'ayant jamais ni couru ni sauté [...] ne pouvant se piquer ou faire un faux pas sans pleurer».
    Aussi pour remédier à ces fragilités et défauts de constitution, elle va recourir à toute une palette d'exercices physiques qu'elle rassemble sous le titre générique de Gymnastique : port de «souliers à semelles de plomb» dont elle augmente «insensiblement l'épaisseur», soulever d'haltères (des cruches remplies d'eau, de plus en plus grosses), grimper à la corde, sauter horizontalement (en longueur) avec élan ou à pied-joint (elle fait, à cet effet, labourer une espace de terre appelé Sautoir), course de vitesse et «d'haleine», danse, équitation, natation (quelques fois habillé, «parce que c'est ainsi communément qu'on y tombe [dans l'eau] par accident») et Volant. Une jeu enseigné par un Maître Paumier qu'elle conseille, pour parfaire l'habileté, de faire pratiquer «également des deux mains»  [44] :
 

Comtesse de Genlis, Leçons d'une gouvernante à ses élèves, tome 2, 1791, p. 527.


    Ainsi s’achève cette liste des rois, dauphins, enfants de sang royal, fils et filles de France, dont des traces de vie attestent qu’ils ont joué au volant, témoignant que, dans leur enfance, ils ont pris plaisir à échanger ou à jongler avec l'emplumé, en utilisant des raquettes (cordées), des palettes de bois ou encore des timbales (tendues de parchemin ou de peau tannée). Ces bribes d’archives, ces indices disséminés, prouvent qu’adultes certains d'entre eux n’ont pas dédaigné pousser le volant entre hommes ou en galante compagnie et qu’ils ont pu se divertir (comme Louis XIV) à observer des joueurs expérimentés disputer des parties qui s’apparentaient à du «badminton».

    S’il est difficile de savoir, faute d’écrits détaillés, si le jeu du volant pouvait prendre d’autres formes que celle d’une simple maximalisation d’échanges ou de jongles, il reste fort probable que le jeu adoptait, en fonction de la maturité et du dynamisme des joueurs, des expressions plus «sportives». Certains, férus de paume, ne se contentaient pas de renvois métronomiques, potentiellement rébarbatifs.
    Pour que Louis XIV, dont un des passe-temps favoris était d’aller voir «jouer les bons joueurs de paume» [45], s’intéresse, une heure durant, à une partie de volant entre six joueurs adultes (dont un au moins, le Duc d’Orléans avait la réputation d’être un excellent paumier), il fallait que le jeu soit particulièrement attrayant, autant que peut l’être un match de badminton…

 

[1] Charles Hulpeau, Le Jeu Royal de la paume, 1632. Source : BnF – Gallica, site numérique.
Le contenu de cet ouvrage se retrouve quasi à l’identique dans l’ouvrage de La Marinière (La Maison Académique. Contenant un recueil de tous les jeux divertissants pour se réjouir agréablement dans les bonnes Compagnies, publié en 1654 et dédié « À Monsieur frère unique du Roy ». Voir p. 126 . Réédité en 1659, sans nom d’auteur, sous le titre La Maison des jeux académiques […], par Estienne Loyson (marchand librairie à Paris).
[2] Forbet l’Aisné (maître paumier), L’Utilité qui provient du jeu de paume au corps et à l’esprit, 1599. Source : BnF – Gallica, site numérique.
[3] M. Bajot s’adresse ici aux femmes qui pourraient, elles aussi, s’adonner à cet « exercice salutaire ». Ne voit-on pas d’ailleurs «des dames jouer à la courte-paume avec toutes les grâces de leur sexe, et toute la modestie que pourrait exiger le plus austère moraliste. Et pourquoi n’y joueraient-elles pas aussi bien qu’au volant, qui ne diffère de la Paume que par un peu plus de légèreté dans les instruments, et moins de méthode dans la pratique du jeu ?» (M. Bajot, Éloge de la Paume, 1806, p. 138). Source : BnF – Gallica, site numérique.
[4] M. de Mannevieux (qui signe Man***eux), Traité sur la connoissance du royal Jeu de Paume, 1783, p. 150 et pp. 36-37 . Source : BnF - Gallica, bibliothèque numérique.
[5] Stanis Perez, «La fabrique du corps royal : les maximes d’éducation pour le jeune Louis XIV», in La Lettre de l’Enfance et de l’Adolescence , 2004/4, n° 58, Éditions Érès, p. 116. Source : Cairn.info
[6] Sur la fabrique d’un corps royal, apte tant par sa beauté que par son endurance, à représenter une monarchie qui, à partir du XIVème-XVème siècle, entre dans «la dimension du spectaculaire», se reporter à l’incontournable ouvrage de Stanis Perez, Le Corps du Roi. Incarner l’État de Philippe Auguste à Louis-Philippe, Paris, Perrin, 2018.
[7] Parlant des divertissements des enfants, Fénelon écrit : «Ceux qu’ils aiment le mieux sont ceux où le corps est en mouvement ; ils sont contents, pourvu qu’ils changent souvent de place ; un volant ou une boule suffit», in Œuvres de Fénelon, Tome 6, 1822, p. 35. Source : BnF – Gallica, site numérique.
[8] Henri-René d’Allemagne (rapport présenté par), Musée rétrospectif de la classe 100 Jeux à l’exposition Universelle Internationale de 1900, à Paris, Tome Ier, 1903, p. 171. Source : BnF – Gallica, site numérique.
[9] Plume d’Histoire, «Jeu de volant : de Christine de Suède à Louis XIV».
[10] Abbé de Savigny, Le Livre des jeunes filles, Paris, Gustave Havard, 1846, «Le volant», p. 14. Source : BnF – Gallica, site numérique.
[11] Cf. Thierry Bernard-Tambour, «Les maîtres paumiers du Roi au XVIIIème siècle», in Versalia. Revue de la Société des Amis de Versailles , n° 3, 2000, p. 69. Source : persee.fr.
Henri-René d’Allemagne note qu’il «était un joueur émérite […]. Il était réellement le plus habile joueur de paume de son royaume», in Musée rétrospectif de la classe 100 Jeux à l’exposition Universelle Internationale de 1900, à Paris, Tome Ier, 1903, p. 172. Source : BnF – Gallica, site numérique.
[12] Cf. Antonella Fenech Kroke, «Culture visuelle du jeu sportif dans la première modernité», Perspective, 2018/1. Paragraphe 8 et note 9. Voir également l’article de Fabien Lacouture, «Mens saa in corpore sano. La place du sport et des exercices physiques dans l’éducation des enfants à la Renaissance», Italiques, 2019/23, pp. 19-34. Ces deux documents sont disponibles sur openedition.org.
Fabien Lacouture mentionne notamment le portrait (attribué à Alessandro Vitali) de Federico Ubaldo della Rovere, héritier du trône d’Urbino (Italie), peint à l’âge de deux-trois ans (en 1607) tenant dans les mains une palette et une balle :

Federico Ubaldo della Rovere - Alessandro Vitali

[13] Pierre Richelet, Dictionnaire françois, contenant généralement tous les mots tant vieux que nouveaux et plusieurs Remarques sur la Langue Françoise , 1706, p. 816. Source : BnF - Gallica, site numérique.
[14] «L’art de la coiffure et le coiffeur», in Annuaire des coiffeurs de Paris et des principales villes de France , 1865, p. 7 . Source : BnF - Gallica, bibliothèque numérique.
Dans La Magnifique histoire du Jeu de Paume, Albert Luze note que les dames de la Cour, «suivant l’exemple de Catherine de Médicis, arrangeaient leurs cheveux en les croisant par bandes, comme les raquetiers disposaient les cordes. C’était la coiffure en raquette», 1933, pp. 46-47. Source : BnF – Gallica, site numérique.
[15] Jean Héroard, Journal sur l'enfance et la jeunesse de Louis XIII, 23 novembre 1604, NAF 13008, Source : BnF - Gallica, site numérique.
Voir aussi, Michel Manson, Jouets de toujours, Paris, Fayard, 2001, pp. 118-119.
[16] Thierry Bernard-Tambour, op. cit., p. 69.
[17] A. Chéruel (par), Mémoires de Mlle de Montpensier. Petite-fille de Henri IV. Collationnés sur le manuscrit autographe, Tome Premier, Paris, Charpentier, 1858, p. 18. Source : MDZ Digitale Bibliothek.
[18] A. Chéruel (par), Mémoires de Mlle de Montpensier. Petite-fille de Henri IV. Collationnés sur le manuscrit autographe, Tome Deuxième, Paris, Charpentier, 1858, p. 250 . Source : MDZ Digitale Bibliothek.
[19] Virginie Girod, «L’énigmatique Christine de Suède», avril 2021.
[20] Carnet d’Histoire, «Christine de Suède, une reine charismatique et excentrique».
[21] Virginie Girod, op. cit.
[22] Johan Arckenholtz, Mémoires pour servir à l’histoire de Christine Reine de Suède. Tome Premier, Pierre Mortier Librairie, 1751, p. 249. Disponible sur archive.org.
[23] Henri-René d’Allemagne, Musée rétrospectif de la classe 100 Jeux à l’exposition Universelle Internationale de 1900, à Paris, Tome Ier, 1903, p. 173. Source : BnF – Gallica, site numérique.
[24] L’État de la France. Tome 2, Chapitre «Des Plaisirs du Roi», p. 289. Source : BnF – Gallica, site numérique.
[25] Journal du marquis de Dangeau , tome X, p. 135 et p. 138. Disponible sur archive.org.
26] François-Alexandre-Pierre de Garsault, Art du paumier-raquetier et de la paume, Paris, Chez Saillant et Desaint, 1767, p. 27 («Du Volant»). Source : BnF – Gallica, site numérique.
Voir également du même auteur la page qu’il consacre au «Volant» dans son Notionaire ou Mémorial Raisonné de ce qu’il y a d’utile et d’intéressant dans les Connoissances acquises depuis la Création du Monde jusqu’à présent, Paris, Guillaume Destrez, 1761, p. 689. Source : MDZ Digitale Bibliothek.
[27] Et sur le blog La Vie du volant : «Les “Parties de volant” de Monseigneur le Duc d’Orléans, Régent du Royaume, ancêtre du badminton ?».
[28] Thierry Bernard-Tambour, op. cit., p. 69.
[29] Jean-Pierre Maget, Monseigneur, Louis de France, dit Le Grand Dauphin, fils de Louis XIV, thèse en Histoire et Civilisation de l’Europe, Strasbourg, 2010, p. 81. Il cite François Lebrun (présenté par), Moi, Marie Dubois, gentilhomme vendômois, valet de chambre de Louis XIV, «Journal pour l'année 1667», Rennes, 1994, Éditions Apogée.
[30] Journal du Marquis de Dangeau, Tome Premier 1865 – 1865 – 1866, Paris, Firmin Didot Frères, 1854, p. 245, p. 409 et 410. Source : BnF – Gallica, Site numérique.
31] Source : Mémoires de Saint-Simon. Nouvelle édition collationnée sur le manuscrit autographe, tome seizième, Paris, Hachette, 1902, p. 365 et p. 155. Disponible sur archive.org.
[32] Haussonville, «Le Duc de Bourgogne en Flandre», Revue des deux Mondes, tome 14, 1903, p. 816. Wikisource.org.
[33] Correspondance de Fénélon, tome 1, Paris, Ferra Jeune librairie, 1827, p. 278. Source : Internet Archive, archive.org.
[34] Dans le jeu de la queue du loup les joueurs se tiennent à la queue leu leu par leurs habits et doivent se défendre contre le loup qui cherche à attraper le dernier, appelé l’agneau. Voir : Les Jeux de collèges, par les révérends pères C. de Navaillac et J. Rousseau de la Compagnie de Jésus, Paris, J. Delalain et Fils, 1875, p. 91.
[35] Docteur Rondelet, «La Médecine dans le passé. Comment on élevait les enfants de France», in La Médecine Internationale Illustrée, n° 4, avril 1920, p. 21.
[36] Cité par Guillaume Janneau, Dictionnaire des styles, Paris, Larousse, 1966, article «vernis Martin», p. 251.
[37] Pour en savoir plus sur le Vernis Martin : «Les secrets de la laque française : le vernis Martin», exposition réalisée au Musée des Arts Décoratifs de Paris, février-juin 2014, madparis.fr.
[38] Voir à ce sujet : Pauline Lemaigre-Gaffier, «Les “comptes” des Menus Plaisirs du roi : un système documentaire administratif et comptable de l’État des Lumières», in Anne Dubet et Marie-Laure Legay (sous la direction de), La Comptabilité publique en Europe 1500-1850, Presses Universitaires de Rennes, pp. 71-90. Consultable en ligne sur openedition.org.
[39] Thierry Bernard-Tambour, «Les maîtres paumiers du Roi au XVIIIème siècle», in Versalia. Revue de la Société des Amis de Versailles, n° 3, 2000, p. 70. Source persee.fr
[40] La Silésie, alors province Autrichienne, avait été en quasi-totalité conquise et annexée au royaume de Prusse en 1741. L’Autriche n’aura de cesse de tenter de récupérer ce territoire et ce ne sera qu’en 1763, au terme d’un 3ème traité de paix, que la Silésie sera définitivement reconnue comme Prussienne.
«Journal de Bouillon» fait référence à la Gazette des gazettes ou Journal Politique – publié à Bouillon (Pyrénées-Atlantiques), couramment appelé Journal politique de Bouillon. Fondé en 1760 par le journaliste et dramaturge, Pierre Rousseau, également directeur du Journal Encyclopédique Universel (un périodique scientifique.
[41] Docteur Rondelet, «La Médecine dans le passé. Comment on élevait les enfants de France», in La Médecine Internationale Illustrée, n° 8, août 1920, p. 28. Source : BnF – Gallica, Site numérique.
42] «Mémoires de Cléry. Journal de ce qui s’est passé à la Tour du Temple pendant la captivité de Louis XVI, Roi de France», in Fs. Barrière (avant-propos et notes par), Bibliothèque des Mémoires relatifs à l’histoire de France pendant le 18ème siècle, Tome IX, Paris, Firmin Didot Frères, 1847. Source : BnF – Gallica, Site numérique.
[43] Cité par le Docteur Rondelet, op. cit., p. 28 .
[44] Madame de Sillery-Brulart [Félicité du Crest, Comtesse de Genlis], Leçons d'une Gouvernante à ses élèves ou Fragments d'un Journal, qui a été fait pour l'Education des Enfans de Monsieur d'Orléans, Tome Second, Paris, 1791, respectivement p. 13, pp. 510-544 chapitre Gymnastique et p. 527 pour «Le Volant». Source BnF – Gallica, Site numérique.
[45] Cf. Journal du marquis de Dangeau, Tome V, 1695, p. 88, p. 92, p. 97 et p. 286. Source : Internet Archive, archive.org.

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