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Publié par Frédéric Baillette

    Zerah Colburn (1804-1839), un enfant américain, considéré comme l'un des plus grands prodiges en calcul mental (bien que des mathématiciens aient contesté ce qualificatif, le considérant seulement comme un garçon intelligent sachant brillamment jongler avec des astuces mathématiques [1] ), apparaît, en 1813, sur une gravure avec en main un battledore (raquette tendue de parchemin) et présentant à son public, comme en remerciement, un superbe volant.

 
Zerah Colburn, Estampe gravée par Henry Hoppner Meyer, d'après un dessin de Thomas Hull, 1813

Zerah Colburn, Estampe gravée par Henry Hoppner Meyer, d'après un dessin de Thomas Hull, 1813

Légende figurant sous l'illustration :
«A Child just eight years of age endowed by nature with the remarkable faculty solving a great variety of arithmetical questions by the mere operation of his mind

Source de l'image : JSTOR Collection
Également disponible sur Science Museum Group Collection.

 

    À tout juste huit ans, alors qu'il ignorait les règles communes de l'arithmétique et ne pouvait exécuter, sur le papier, une simple opération, celui que l'on pensait, jusqu'à 6 ans, atteint d'une déficience intellectuelle, se mit à résoudre de tête des calculs arithmétiques complexes. Il ne lui fallait que quelques secondes, parfois une fraction, pour, par exemple, calculer le produit de 12 225 par 1 223, pour extraire des racines carrées ou cubiques, indiquer le nombre exact de minutes ou de secondes qu'il y avait dans une période de temps donné (comme dans 32 ans 2 mois et 7 jours), ou encore déterminer si un nombre était entier, etc. Tout cela «au milieu de ses activités juvéniles» («and in the midst of his juvenile pursuits») [2].

    Après avoir exhibé l'enfant-phénomène, contre rémunération, dans différents états d'Amérique, son père décida, en avril 1812, de l'amener en Angleterre.
    Débarqués le 11 mai à Liverpool, ils se rendirent à Londres où divers professeurs émérites et d'éminentes personnalités (la princesse Charlotte - future épouse du Roi de Belgique, l'évêque de Salisbury, etc.) vinrent s'entretenir avec ce calculateur hors normes, lui demandant de résoudre instantanément des calculs mathématiques et s'ébahir des facultés en arithmétique de cette curiosité, si ce n’est énigme.
    Opposé à une autre prodige du calcul mental (William Rowan Hamilton), également âge de huit ans, Zerath remporta haut la main cette confrontation.
    Afin de tirer quelques profits lucratifs, et de ainsi donner à son fils une éducation adaptée, des amis conseillèrent au père la publication d'un portrait de Zerah. Un dessin, réalisé par Thomas Hull, fut gravé par Henry Hoppner Meyer et tiré à un grand nombre d'exemplaires. Chaque estampe, dont la taille annoncée était de 12 pouces sur 10 (soit 30,5 x 25,4 cm), fut vendue une guinée.

    La vente du portrait constitua une réussite commerciale. La présence du battledore et du shuttlecock,un amusement dont les Anglais étaient particulièrement friands, ne fut peut-être pas étrangère à cet engouement ! Les instruments du jeu du volant soulignaient la juvénilité de l’enfant-prodige. Les jouets étaient d’ailleurs, avec les livres, l'un des cadeaux le plus souvent offert par les personnalités qui rendaient visite où invitaient le «mental calculator» en leur noble résidence.
    Ce succès est, très certainement, à l'origine de la publication d'un livret-mémoire contenant le récit de sa naissance, de son don pour le calcul mental, avec toute une liste de questions mathématiques auxquelles il répondit avec justesse et célérité [3] .
    Zerah fut ensuite « exposé » en Écosse et en Irlande, puis passa 18 mois à Paris (où il intégra le Lycée Napoléon), avant de retourner en Angleterre, où il fut placé à la Westminster School, qu'il quitta en 1819 pour tenter de devenir acteur… ce qui fut un échec. En 1824, à la mort de son père, il retourna aux États-Unis, où il enseigna notamment le français et différentes langues.
    En 1833, il publia son autobiographie où il indiquait que sa faculté à calculer mentalement l'avait quitté à l'âge adulte. On y trouve reproduite en page de garde l'illustration de Thomas Hull [4] .
 

 Pages d'introduction à A Mémoir of Zerah Colburn, Springfield, 1833.

Pages d'introduction à A Mémoir of Zerah Colburn, Springfield, 1833.

    Outre sa singularité d'esprit («peculiarity of mind»), Zerah Colburn possédait cinq doigts et un pouce à chaque main et six orteils à chaque pied ! Une particularité anatomique présente dans sa famille depuis plusieurs générations (ce sixième doigt est perceptible sur la gravure originale, dans la main tenant le volant). Il se fit enlever les «petits doigts» surnuméraires, en Angleterre par le docteur Anthony Carliste, très certainement en 1813-1814 [5] . Mais, bien que souhaitant procéder à l'ablation des orteils, pensant que cette anomalie le gênerait dans l'apprentissage de la danse, il fut contraint de garder cette hexadactylie... (un avantage certain, s'il avait appris à compter sur ses doigts... de pieds !)

    Zerah Colburn décéda de la tuberculose en 1839, à l'âge 34 ans.
 

Une reproduction de l'estampe originale a été imprimée le 7 avril 1813 par un éditeur londonien :

 
Zerah Colburn Aged 8 years, Remarkable for solving Arithmetical questions. Copied by permission from the original. Pub. April 7 – 1813. by R.S. Kirby, London House Yard, St. Pauls

Zerah Colburn Aged 8 years, Remarkable for solving Arithmetical questions. Copied by permission from the original. Pub. April 7 – 1813. by R.S. Kirby, London House Yard, St. Pauls

Source de cette seconde estampe images : JSTOR Collection
 

À la même époque, dans les années 1830, deux autres phénomènes de foire, les frères siamois Chang et Eng, furent représentés raquettes en main disputant une partie de volant. Pour découvrir les nombreuses gravures qui furent alors éditées des inseparable siamese, avec battledore and shuttlecock, se reporter sur ce même blog à :
Les inséparables Chang et Eng

 

[1] Cf. «Upon certain ready processes for computation, supposed to have been invented by the American boy exhibited in London», Morning Chronicle , 17 février 1813. Republié dans A Journal of Natural Philosophiy, Chemistry and the Arts , Vol. XXXIV, n° 156, pp. 193-196, Londres. Disponible sur Internet Archive.
[2] Voir l'article, «Computation by a child», que lui consacre, en janvier 1813, A Journal of Natural Philosophiy, Chemistry and the Arts, Vol. XXXIV, n° 156, pp. 5-9, Londres. Le journal appelle ses lecteurs à apporter leur contribution à la réalisation de cette estampe (souscription d'une Guinée pour les abonnés), dont les bénéfices seront reversés au père de Zerah afin qu'il puisse parfaire son éducation.
[3] Zerah fait état de tout cela (impression d’une gravure et publication d’un mémoire) dans A Mémoir of Zerah Colburn ; written by himself with his peculiar methods of calculation, Springfield, 1833, pp. 40-41. Disponible sur Internet Archive).
[4] A Mémoir of Zerah Colburn ; written by himself with his peculiar methods of calculation, Springfield, 1833. Disponible sur Internet Archive).
[5] CF. A Mémoir of Zerah Colburn , op. cit., p. 72.
Voir également la lettre rédigée, le 23 décembre 1813, par Anthony Carlisle, où ce chirurgien anglais réputé liste la redondance (ou non-redondance) héréditaire de cette «monstruosité organique» chez les membres de la famille Colburn (ancêtres et descendants) : «An Account of a Family having Hands and Feet with supernumary Fingers ans Toes», publication reproduite in Philosophical Transactions of the Royal society of London, 1814, pp. 94-100. Disponible sur Internet Archive.

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