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Publié par Bob Bendor

    Depuis le début de l’ère spatiale, le badminton fait partie du programme d’entraînement des cosmonautes russes. Dès 1960, le père fondateur de l’astronautique soviétique, Sergey Korolyov, l’avait inscrit dans leur préparation physique.
    Ainsi, Youri Gagarine, premier être humain à avoir parcouru une orbite autour de la Terre, le 12 avril 1961, pratiquait passionnément le badminton avec ses partenaires d’entraînement.
    C’est notamment pour sa petite taille (1,58m… soit 3 cm de plus que la hauteur réglementaire d’un filet) qu’il avait été retenu pour prendre place dans la capsule spatiale Vostok (« sphérique »), plutôt exigüe…
    Le premier Homme de l’espace apparaît ainsi en survêtement, tout sourire et raquette de badminton à la main, sur une photo (non datée) prise avec différents membres du staff technique.
 

Youri Gagarine Badminton Cosmonautes sovétiques 1960
Youri Gagarine (2ème à gauche) et tous les cosmonautes soviétiques jouaient au badminton depuis le début de l'ère spatiale


    Ce premier vol spatial habité fut réalisé sous l’ère de Nikita Khrouchtchev, qui lui aussi aimait bien taquiner le volant.
    Le 5 août 1963, dans un souci de détente avec les Américains (suite à la crise des missiles de Cuba d'octobre 1962), fut signé à Moscou un Traité visant à lutter contre la prolifération des armes nucléaires. À cette occasion, Khrouchtchev disputa une partie de badminton avec le diplomate américain Dean Rusk, dans une « somptueuse villa » située sur la mer Noire. « Match » remporté par « M. K […] malgré ses soixante-neuf ans » et immortalisé par le correspondant du magazine Paris-Match qui en fit sa Une.
 

Nikita Khrouchtchev 1963 Couverture Paris Match n° 750
Nikita Khrouchtchev, Couverture Paris-Match, n° 750, 24 aout 1963


    Quasiment un demi-siècle plus tard, en octobre 2011, ce sera autour de Dimitri Medvedev, alors Président de la Confédération de Russie, d’échanger quelques volants avec son premier ministre, Vladimir Poutine, pour vanter tous les bienfaits escomptés du badminton. Dans une vidéo de propagande à destination des écoliers, diffusée sur le blog du Kremlin, Medvedev rappelait que Youri Gagarine, indétrônable héros national, appréciait tout particulièrement jouer au badminton. Un exemple à suivre, car comme le soulignait Medvedev dans son discours : « Le badminton aide à régler tout un tas de problèmes dans la vie. Une personne qui joue au badminton est une personne qui prend des décisions rapidement. »[1] Et d’ajouter « Cette personne a la volonté d'obtenir des résultats » [2]

    Pour « l’anecdote », le mois suivant, en novembre 2011, le ministère de la Défense russe décida de s’équiper de 10 000 raquettes de badminton pour entraîner ses tireurs d’élite… [3]  Considérant d’évidence le badminton comme un excellent exercice physique « pour aiguiser sa vue, sa coordination œil-main et sa vitesse de réaction » [4].


The International Space Station Shuttlecock
   
Il revient toutefois, sans conteste, à l’astronaute français Thomas Pesquet (qui lui aussi pratiquait le badminton durant son intensive formation) d’avoir été le premier à emporter un volant dans l’espace, durant sa mission à bord de la Station Spatiale Internationale (ISS), du 16 Novembre 2016 au 2 juin 2017, afin d'y conduire une singulière et amusante expérience de physique sur le « comportement d'un volant dans l'espace » [5], celui hermétiquement clôt de l’ISS, donc en impesanteur [6] .

 

    Durant ce séjour de 196 jours, 17h et 50 mn, le dit « volant de l’espace » a effectué 3 136 rotations autour de la Terre, soit un périple de plus de 78 millions de miles ! Un calcul réalisé par Geoff Hinder, du National Badminton Museum, à l’occasion de la visite d’une délégation de la Commission Culture de la FFBaD, venue en mars 2019 présenter the « International Space Station Shut tlecock » aux confrères britanniques, une relique précieusement conservée par Bruno Lafitte, Président de la Commission française [7] .

    À noter que dans une future mission, Thomas Pesquet notre super-héros national, sorte de Bob Bendor contemporain [8] , envisageait d'emporter également une raquette. Ceci dans le cadre d'une étude, conduite en collaboration avec le CHU de Rennes, s'intéressant aux impacts de la frappe dans l'apparition de tendinites sur les membres supérieurs (voir en encadré, son interview donné au Flume Ille Badminton , en mars 2020). Toutefois, ces premiers essais de smashs décochés par un corps flottant en impesanteur n’ont, à notre connaissance, pas encore été réalisés...
 

Source : « Thomas Pesquet de passage au FIB », 31 mars 2020
 

Févier 2018 : première partie de double, en rotation à 400 km autour de la Terre
   
La première partie de « Space Badminton » disputée dans l'ISS a officiellement eu lieu en février 2018. Elle a été impulsée par le cosmonaute russe et commandant de la 54ème expédition, Alexander Alexandrovitch Misurkin (ou Alexandre Missourkine), devenu addict au badminton après avoir découvert le jeu en 2007, lors de sa formation de candidat astronaute.
    Misurkin s’est ensuite ardemment impliqué dans son développement en participant activement à la création de la Fédération régionale de badminton de l’oblast d’Orel. En tant que Président, il a récemment organisé un tournoi (the « Star Shuttle »), en l’honneur de la journée de l’astronautique (Cosmonautics Day).
    Une compétition qui fait écho au tournoi de badminton annuel, baptisé « Star Shuttlecock » (ou Star Volan tournament), qui a pour cadre la Cité des Étoiles (Russian Cosmonauts’ Star City), centre d'entraînement des cosmonautes russes, près de Moscou [9] , et où, en 2012, les Russes ont invité leurs homologues américains de la NASA (National Aeronautics and Space Administration) pour disputer la première « Star Call Cup », outrageusement dominée par les Russes.
    Une suprématie qui s’est, à nouveau, confirmée lors de l’édition 2021 qui a, entre autres, rassemblé des représentants de Roscosmos (l’agence spatiale russe), de la NASA, et de l'ESA (European Space Agency), et a vu Alexander Misurkin s’imposer en Simple et en Mixte (avec sa compatriote Mäsanova Elena) [10].
 

Alexander Misurkin Badminton
« Alexander Misurkin is a keen badminton player » - © Badminton Photo


    À noter que trois mois et demi après son retour sur Terre, Misurkin avait joué 24h non-stop, affrontant les uns après les autres tous les compétiteurs se présentant sur le court !

    Ce badiste de choc, pur stakhanoviste du bad, avait joué cette première partie cosmique avec son coéquipier Anton Shkaplerov contre trois autres astronautes, les américains Joseph Acaba, Mark Vande Hei et le japonais Norishige Kanaj.
    Des « matchs » de double des plus conviviaux (ni vainqueurs, ni perdants), joués sans filet, dans le plus grand module de l’ISS, débarrassé de tout ce qui pouvait gêner les échanges.
    La vidéo montre que les « outer-space badminton players » utilisèrent des barres métalliques fixées aux parois de l’ISS pour y ancrer leurs pieds et ne pas flotter lors des frappes, excepté lorsque Misurkin s'envolait pour aller à la rencontre du volant !

 


Décembre 2021 : un billionaire « orbital badminton match »
   
Cette démonstration de Cosmo Bad a sans doute inspiré le milliardaire japonais Yusaku Maezawa (46 ans, 30ème fortune du pays, fondateur du site Zozotown, une plate-forme de vente de vêtements et d’accessoires), qui en décembre 2021 avait rejoint l’ISS pour un voyage d’agrément de douze jours, avec notamment comme projet insolite de s'y divertir en jouant au badminton (mais aussi au « golf », au saut à la corde, etc.). Des vidéos clips des facéties de l'excentrique fortuné, tournées par son assistant (Yozo Hirano), alimentèrent et firent le Buzz (l'Éclair !) sur les réseaux sociaux du touriste spatial (10 millions de followers sur Twitter et 750 000 sur Youtube).

    Un « match de badminton orbital » sans filet (donc plutôt une partie de « jeu de volant », à l'ancienne) a bien été disputé entre la paire japonaise Yusaku et Yozo et les membres de l’ISS : Alexander Misurkin (indéniablement le number one en Space Bad), ainsi que les américains Kayla Barron, Raja Chari, Thomas Marshburn et l’allemand Matthias Maurer.

    Cette rencontre au top du firmament s’est déroulée alors que se tenaient, en terre d’Espagne, les 26ème Championnats du monde de badminton (12-19 décembre 2021).

 


Les premiers « outer-space rackets players » (Ping-pong et Tennis)
   
Toutefois, ces badistes quelque peu perchés n'étaient pas les premiers à se livrer à un jeu de raquettes à bord de l’avant-poste orbital. En 2016, deux astronautes et géophysiciens, l’allemand Alexander Gerst et l’américain Reid Wiseman, les avaient devancés en échangeant des balles de ping-pong avec des mini-raquettes.

 

    Ces précurseurs n’en étaient pas à leur première animation sportive spatiale, puisqu’en juin 2014 ils s’étaient divertis, avec Steve Swanson (USA), en jouant au football, célébrant leurs exploits en multipliant les pirouettes :


    En août 2018, ce sont trois astronautes américains (Andrew Feustel, Rickyd Arnold, Serena Auñón-Chancellor) ainsi qu’un allemand (Alexander Gerst) (membres de l'expédition 56) qui engagèrent un match de tennis, certes là aussi avec de minuscules raquettes (de tennis et aussi de ping-pong), mais cette fois-ci par-dessus et également par-dessous un « filet » ! Les « règles » permettant cette subtilité (le haut et le bas étant totalement théorique en impesanteur), tout comme elles autorisaient, outre les rebonds au sol, ceux contre les murs et le plafond.
    Ce match de double disputé dans un humoristique ambiance avait été planifié en collaboration avec les organisateurs des Internationaux des États-Unis et retransmis à New York sur la plateforme de webdiffusion Periscope.
 

 


    La veille une première rencontre, tout aussi fantaisiste, avait opposé la paire russe Oleg Artemiev - Sergei Prokopiev, à la team Alexander Gerst - Andrew Feustel :

 


Badminton intergalactique et Bad on the Moon ?
   
Selon Alexander Misurkin, futur ambassadeur et promoteur intergalactique du badminton (?), les vaisseaux spatiaux qui dans l’avenir voyageront dans l’espace intersidéral à la rencontre de nouveaux mondes, devraient disposer d’un module spécialement aménagé pour la pratique d’un sport qui, outre de procurer un « bon entraînement physique », crée « une excellente atmosphère psychologique » [11].
    « In the future, renchérit l’américain Mark Vande Hei, in ships that will carry us to other worlds, it is necessary to provide a separate module for such a game. Since it is very useful from the point of view of psychological relaxation and strengthening of friendly relations in a team. » [12]

   
Mieux encore, en développant la mobilité des poignets, la pratique du badminton aiderait les cosmonautes lors de leurs sorties dans le cosmos, où ils sont contraints de se déplacer et de s’orienter en utilisant principalement leurs poignets… (« I think that badminton is a sport for cosmonauts specially who go on space walks. Because in badminton you use a lot of your wrists and you can’t walk using your feet there, you move mainly with you. ») [13]

    Le 6 février 1971, l’astronaute américain Alan B. Shepard fils, commandant de la mission Apollo 14 et 5ème homme à avoir marché sur la Lune, avait emporté un fer de golf qu’il fixa sur le manche télescopique d’un collecteur d’échantillon et, pour le fun, tapa dans deux balles, dont l’une non récupérée est encore sur l’astre lunaire… [14]
    Qui seront les premiers humains à jouer au bad on the Moon ?

 

[2] « Medvedev affronte Poutine… au badminton », La Presse, 24 octobre 2011.

[3] « Raquettes et roquettes. Le Badminton ? Un sport de combat ! », 15 novembre 2011, Site Atlantico.fr

[4] « Cosmonauts prevail in “space“ badminton », 17 mars 2013, BWFBadminton.

[5] Victor Garcia, « Voici pourquoi Thomas Pesquet emporte un volant de badminton dans l'espace »,
L'Express.fr, 16 novembre 2016.

[6] Pour un voyage linguistique en impesanteur, apesanteur, microgravité, gravité zéro ou zéro-g, embarquez Ici.

 

Bon Bendor La Planète Sauvage

[8] Bob Bendor, un héros-cosmonaute bien de chez nous, mais passé aux oubliettes... Et pourtant, au tournant des années 1960, ce solide gaillard de bandes-dessinées s'aventura bien au-delà du système solaire, fêtant chacune de ses victoires en buvant du jus de raisin ! Il n'était certes qu'un héros publicitaire, faisant la réclame d'un jus de fruits produit par Bendor, une filiale du groupe Ricard... mais un exemple de sobriété pour la jeunesse. Cf. Xavier Fournier, Super-héros. Une histoire française , Paris - San Francisco, Huginn & Muninn, 2014, p. 183.

[11] « It’s a great achievement for the psychological atmosphere in the group. If we design a special module (to play in), it will give us good physical training too. The biggest thing we can get is that it’s really great instrument for maintaining a great psychological atmosphere. »
Cité par Dev Sukumar, in « Cosmonaut say badminton ideal for space crews », 10 octobre 2019, BWFbadminton.

[13] Dev Sukumar, « A Great Sport for Building Morale », 11 October, 2019.

[14] Brice Louver, « 50 ans plus tard la balle de golf d'Alan Shepard a été retrouvée sur la Lune », 9 février 2021, Sciencepost. Voir également : « On a retrouvé la 2ème balle de Shepard sur la Lune ! », 11 février 2021, golfplanete.com.

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