Quand le bad fait son Cirque !
Le badminton, sport par essence spectaculaire, époustouflant de virtuosités, possède nombre d’ingrédients du Magic Circus.
C’est une activité circassienne, où les numéros s’enchaînent jusqu’au clou du spectacle final. Show médusant un public subjugué et ravi par tant de maestria.
Si le bad relève du cirque, il le doit aux instruments propres au jeu et aux va-et-vient « ininterrompus » que son spectacle exige, un matériel et une rigueur qui commandent une dextérité relevant de l’art de la jonglerie.
Certains joueurs ont d'ailleurs développé une telle agilité qu’ils se permettent de jouer « par-dessous jambe » ! Selon une expression employée jadis pour désigner un joueur « capable de gagner en recevant toujours la balle ou le volant par-dessous la jambe » [1]. Manière de déployer une indéniable supériorité, une aisance, tout en épatant la galerie.
D’autres de ces saltimbanques semblent être passés maîtres dans l’art rocambolesque du boisé qui fait mouche (une extravagante figure de style qui n’a été réglementairement autorisée qu’en 1963 ! Au paravent cette ladrerie était inacceptée).
Aujourd’hui quelques virtuoses réussissent même, par on ne sait quel prodige, à faire tournoyer un volant jusqu’à le faire se poser, à la stupéfaction générale, sur le sommet du filet (une funambulie certes rarissime, mais actée mondialement par le Règlement : le volant, considéré comme « let », est alors à remettre [2] ).
Le bad possède également ses hommes et femmes caoutchouc, capables de s’étendre indéfiniment jusqu’à rattraper in extremis un, a priori, intouchable volant. Ces contorsionnistes sont capables de se tordre dans des positions à la limite de la dislocation, offrant des désaxements flirtant avec la démantibulation.
Le jeu possède aussi ses prestidigibadistes. Des illusionnistes capables de sortir, d’un coup de raquette magique, un volant abracadabrantesque, un trick shots waouh ! Entourloupe si bien masquée qu’elle prend les plus experts démineurs en filouteries totalement à contre-pied.
Les badauds qui badent le spectacle en restent babas d’admiration !
Le Monde du bad aligne également des forts-à-bras, non pas des Hercules, ces hommes muscles grands briseurs de chaînes, mais des nerveux au poignet diabolique, retournant des missiles et autres parpaings dévastateurs.
La représentation vire résolument au manège enchanté, lorsque entrent en scène les voltigeurs, ces hommes montés sur ressorts aux bondissements prodigieux, sortes de Zébulons dopés à la formule magique « Tournicoti tournicoton » ! Ces rois de la cascade contrôlée, ces Augustes trapézistes, multiplient sauts, plongeons, chutes et rechutes à la joie des petits comme des grands. Ils cabriolent, alignant des acrobaties éberluantes, des fantaisies relevant parfois du burlesque.
Car il y a de la clownerie dans cette majesté, dans ces prestations fantasques qui parfois tournent au running-gag.
N'oublions pas tous les Monsieur Loyal, ces Maîtres de Manège, bateleurs d'infortune qui rythment le spectacle de leur bagou, annonçant avec prestance les numéros qui s’enchaînent sur les différentes pistes que comporte l’arène de ce spectacle vivant.
Le Bad possède enfin ses maîtres de manège (ou chefs de piste), de rouge et noir distingués, aptes à sortir de leur pochette illico subito presto une brillante carte jaune, voire, encore plus fort, le maudit joker vermillon, rouge coup de sang ! Une ultime manipulation qui a pour effet radical de calmer le jeu ! Cette attraction qui fige l'assemblée est réalisée par un super-viseur d’élite, connu sous le nom de scène de Jumbo [3] Agile (JA). Si elle fait habituellement un carton… cette intervention exubérante signe la fin de la rigolade. Fini de jouer à la majorette, fini de s'amuser à fesser le filet, de déclamer à voix tonitruante sa joie rageuse ou d'exprimer à la cantonade son désappointement !
Rideau. Place aux ouvriers de l’ombre, aux démonteurs qui s’empressent de plier et ranger le matos jusqu’à la prochaine représentation.
Cette connivence avec les arts du cirque n’a pas échappé à plusieurs acteurs de l’univers du bad :
- Dans les années 1930-1950, deux badistes chevronnés, des « enfants du volant » à la renommée mondiale, l’Écossais Ken Davidson et le Canadien Hugh Forgie, ont ainsi fait les clowns pour promouvoir leur sport favori, faisant rire aux quatre coins du monde. Pour en savoir plus sur les « badminton comedy shows » de ces deux Badminton Globetrotters, voir sur ce même blog : « Le bad fait son cirque – Acte 2 : Ken Davidson et Hugh Forgie » ;
- Dans les années 2010, c’est un couple de clowns danois, Bonbon et Tiina, de s’emparer du bad pour, à leur tour, construire un numéro de cirque, ratant des volants avec brio avant de les rattraper au terme de pirouettes bouffonnes. Voir : « Le bad fait son cirque – Acte 1 : Bonbon et Tiina ».
- Enfin, en 2012, Thierry Stempfel (actuellement Président du Volant des 3 Frontières – V3F) a conçu une collection d’originales affiches, pour le Championnat de France Jeunes, sur le thème de « La Piste aux étoiles ». Chaque poster braquant ses projecteurs sur l’un des bateleurs vedettes du moment.
Les treize tableaux annonçant cet évènement national font l’objet d’un accrochage dans une Galerie dédiée, à découvrir sur le blog « Quand le bad s’affiche ! », en cliquant ICI.
Une idée également récemment reprise (sans le savoir) par Thomas Pontois pour annoncer le Tournoi des Moustachu.e.s de l'US Ivry Badminton (94).
Mais aussi par deux autres affichistes, l'une accompagnée d'un « C'est quoi ce cirque », réalisée en 2020 par Nicolas Terlon, pour l'Association Longjumeau Badminton). L'autre conçue par une artiste anonyme pour un Tournoi amical, soirée Badminight, organisée par le Badminton Chalonnais, en 2017.
[1] Article « Jouer », in Napoléon Landais, Dictionnaire général et grammatical des dictionnaires français, Tome 2, 1834, p. 275. Au sens figuré « jouer quelqu'un par-dessous jambe, c’est avoir sur lui une grande supériorité de talent, d’adresse, de finesse dans les affaires ».
[2] Excepté en para-badminton « fauteuil roulant ». Points 14.2.3.2.1 des « Règles officielles du badminton ».
[3] Rien à voir avec le célèbre éléphant-volant, un Jumbo est un terme utilisé par les cartomanes (adeptes de la cartomagie) pour désigner une carte à jouer XXL !