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Publié par Frédéric Baillette

    À partir des années 1860 et jusqu’à la fin du siècle, la bourgeoise alors en pleine expansion va s’emparer de la photographie naissante et mettre ses enfants en images dans de petits portraits en pieds. Revêtus de leurs plus beaux habits du dimanche, une ribambelle de bambins et d'adolescent.e.s vont prendre la pose dans des décors factices (paysages bucoliques, évocations de parcs).
    Pour leur donner une contenance, ces jeunes sujets vont souvent être photographiés avec des instruments puisés dans les jeux convenant à leur âge, poupées, cerceaux, cordes à sauter, mais aussi raquettes et volants. Des postures et des scénographies qui ne sont pas sans rappeler les luxueux tableaux des siècles précédents, commandés par des élites. Des portraits royaux où de jeunes princes, des enfants de la noblesse puis de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie, étaient déjà représentés tenant ces mêmes objets ludiques (voir les deux précédents textes : «Sur les traces des volants royaux» et «Portraits en majesté avec raquettes et volants»).

    «Le désir de portraits, note Manuel Charpy, accompagne l’ascension de la bourgeoisie. L’enjeu est alors de se fabriquer une image en même temps que de se construire une généalogie par l’image, question qui hante la nouvelle bourgeoisie en recherche de légitimation historique.» Sous le Second Empire (1852-1870), elle va «s’empare[r] en même temps d’une image et d’un support : la photo-carte de visite, moins chère, de petit format» et imprimable en de multiples exemplaires [1] .

    En 1854 André Adolphe Eugène Disdéri (1819-1889) dépose son brevet du portrait photographique au format carte de visite. De petite taille rectangulaire (6 x 9 cm), l’image découpée est montée sur un carton épais, avec sous le portrait la griffe de l’artiste, et, au verso, l’adresse de son atelier de photographie (une présentation similaire à celle des chromos publicitaires qui à la même époque se répandent – voir «Chromos publicitaires et jeu du volant»).
    Pour une somme modique, le procédé Disdéri permet de réaliser plusieurs tirages à partir d’un seul cliché. Il est particulièrement apprécié car il marie la photographie «à un usage mondain : la carte de visite dont l’usage est répandu en France depuis la seconde partie du XVIIIème siècle».

    Le succès du portrait-carte de visite (encore appelé carte de visite photographique ou carte de visite portrait) est «quasiment instantané […] auprès des bourgeoisies du monde entier – dans les villes européennes mais aussi à Moscou, à Mexico, à Monrovia ou à Tokyo – signe [de l’] attente d’une nouvelle classe en mal d’images.» [2]
    À l’origine réservé à l’aristocratie, cette passion va rapidement s’élargir, s’emparer de la haute et de la moyenne bourgeoisie, puis, en s’industrialisant, se vulgariser et s'étendre aux classes moyennes et populaires (avec un appauvrissement du décorum et une mise en scène insipide).
    Se faire tirer le portrait, sous forme de carte de visite, devient une mode épidémique. Ancêtres du photomaton et du selfie, ces cartes s’offrent dans l’intimité des familles, s’échangent par amitié, par «simple politesse», par mondanité ou pour assoir une réussite économique. Ces mini-portraits remplissent les portefeuilles et d’«élégants albums» sont édités pour les collectionner !

    À partir des années 1860, le succès de la photo-carte va se révéler ambigu : «les photos-cartes de visite restent bien souvent au sein de la famille, quantité de bourgeois n’accédant pas à la vie mondaine. De là, le succès grandissant des cartes-portraits ou cartes-album [de plus grandes dimensions], version familiale de la photo-carte de visite mondaine. Les albums faits au départ pour collectionner les visites dans les grandes maisons deviennent de véritables autels familiaux. Constitués d’épaisses feuilles dorées, reliés en cuir épais et damasquiné, frappés aux initiales de la famille, fermés par de lourdes serrures de bronze, ces albums hésitent entre le livre et la vitrine.»

    Ainsi, «dès la fin des années 1860, dans les familles bourgeoises, il est d’usage d’aller au moins une fois l’an chez le photographe, particulièrement pour y faire les portraits des enfants» [3].
 



    Dans la «mémoire intime» qui s’élabore, nombre d’entre eux apparaissent tenant une raquette (de belle facture, puis de moindre qualité, au fur et à mesure que l'accès à ce support se démocratise), parfois avec aussi un volant dans les mains, fixé dans la raquette, posé sur un meuble ou abandonné au sol. De gros volants aux blanches plumes formant bouquet, de robustes volants de qualité, comme des déplumés si ce n’est complétement délabrés. Autant d’instruments qui n’ont nullement à voir avec le badminton (loisir sportif alors quasi totalement inconnu en France), mais avec le (très) populaire et ancien «jeu du volant».

    Si certains enfants sont sans doute venus à la séance photo avec leur «matériel», la plupart ont posé avec les quelques objets ludiques mis à leur disposition par le photographe.
    L’étude des planches regroupant les portraits réalisés durant une même journée, avant découpe, permet de se rendre compte de l’artificialité de l’univers dans lequel les clients posent à tour de rôle. «Les accessoires les plus personnels en apparence, note Sylvie Aubenas, poupées, tricots, broderies, sont fournis par l’atelier : on les retrouve, identiques, aux mains de multiples personnes[4]

    La trentaine de clichés ci-dessous rassemblés montrent quasi essentiellement des fillettes posant en compagnie de raquettes et de volants (seuls deux jeunes garçons figurent raquette en main, dont un italien). Suivant en cela l'évolution de la perception du jeu du volant qui, à partir du XIXème siècle, fut progressivement considéré comme un gentillet amusement convenant avant tout, si ce n'est essentiellement, aux petites filles (qui, accessoirement, pouvaient y jouer avec leurs jeunes frères).

    Nous ne disposons que de très peu d’informations sur cet échantillon de portraits, majoritairement anonymes, d’enfants, voire d’adolescentes et exceptionnellement de jeunes filles, le plus souvent photographiés seuls, en compagnie de leurs frères ou sœurs et plus rarement en famille.
    Parfois, de rares indications, portées au verso, mentionnent un prénom, précisent l’année de la prise de vue et/ou l’âge du modèle.
    Une seule – un souvenir de famille (en couleur) récupéré sur un compte Facebook –, permet d’identifier les deux sœurs photographiées. Outre leurs années de naissances (1903 pour Léonie, 1905 pour Lucette) et celle de la photo (vers 1914), la discussion engagée sur ce réseau social autour de sa publication précise leur origine sociale. Profession du père : artisan boulanger.

    Tous les portraits qui suivent sont précédés d'une courte présentation, faisant état le cas échéant des informations parcellaires dont nous disposons, indiquant si c'est un portrait-carte de visite ou à une carte-portrait (également appelée carte-album), de plus grand format et de présentation soignée, ou si ce portrait a été imprimé sous forme de carte postale (une possibilité datant du début du XXème siècle).
    Dans quelques cas, nous avons placé à la suite une copie de leur verso, permettant de localiser l'atelier du photographe et/ou témoignant d'informations inscrites de la main de leurs possesseurs.
   En tenant compte de dates mentionnées au dos des clichés ou des indications fournies par leurs actuels vendeurs sur les sites spécialisés, nous avons placé les douze premiers clichés par ordre chronologique, sur une période s'étendant de 1860 à 1921.


[1] Manuel Charpy, «La bourgeoisie en portrait. Albums familiaux de photographies des années 1860-1914», Revue d’Histoire du XIXe siècle, n° 34 («La Bourgeoisie : mythes, identités et pratiques»), 2007, pp. 147-163. Disponible en ligne sur OpenEdition.org.
[2] Ibidem.
[3] Ididem.
[4] Sylvie Aubenas, «Le Petit monde de Disdéri. Un fond d’atelier du Second Empire», in Études Photographiques, n° 3 («Frontières de l’image/Le territoire et le document»), novembre 1997. Texte intégral disponible sur OpenEdition.org.

 Vers 1860-1870
Photo d'une jeune fille, âgée d'une quinzaine d'années (peut être plus),
posant avec une raquette et un volant de très bonnes factures dans un décor aristocratique.
Portrait-carte de visite – Dim. : 5,5 cm x 9,2 cm
(dos vierge) – Espagnet, Photographe à Rouen;



Vers 1865-1870
Portrait-carte de visite – Dim. : 8,6 cm x 5 cm



1880-1881 – Bambino con racchetta e volante
Portrait-carte – Fotographi Pagliano & Ricordi – Milan


 

Vers 1882 – Petite et grande sœur
Portrait-carte de visite – Dim. : 6,2 x 10,3 cm
Mentions Imprimées au verso :
Photographie Buguet / 2, rue de Clocheville / Tours

 


Vers 1885, identifiée comme étant Suzanne de Sers (1869-1919)
Elle serait donc alors âgée de seize ans...
Épouse en 1887 de Edmond de Marsay
(officier d'artillerie, conseiller général d'Indre-et-Loire)
Portrait-carte de visite – Dim. : 6 x 10 cm



Vers 1890
Sœurs jumelles...
Portrait-carte de visite – Dim. 6 x 10,5 cm


Vers 1890 – Comme un air de famille !
Portrait-carte de visite – Dim. : 6,5 x 10,3 cm
Imprimé au verso : A. Maupuit - Tours - 5, Place du Palais de Justice –
Au rez-de-chaussée / Les clichés sont conservés



1890 – Young Girl with Batlledore and shuttlecock
Portrait-carte de visite
Photo qui semble prise dans une campagne anglaise
par une portraitiste itinérant...
La fillette d'une dizaine d'années pose avec un battledore,
raquette typiquement britannique, au tamis parcheminé ou constitué de vélin.
Nous la retrouverons sur les deux autres clichés édités outre-Manche.

 

1890-1900 (vers)
Portrait
réalisé par le
«Cabinet» Edmund Wheeler junior (1836-1930),
situé Western Road, à Brighton (Angleterre)
(en vente sur ebay)


 

1897 (vers)
Cerceau pour le grand garçon, raquette et gros volant pour sa petite sœur
Portrait réalisé par l'atelier parisien Louis Photo

Photo vintage raquette volant


1910 (Vers) – Two Sisters with Batlledores and shuttlecocks
Photo imprimée au format «Post Card»
(Verso séparé en deux parties, l'une «may be used for communicationt»,
l'autre (à droite) réservée à l'inscription de l'adresse du destinataire

 

Vers 1910
Portrait-carte de visite
– Dim. : 6,3 x 10,4 cm
Aucune mention au verso
Collection Oncle Freddy




1911 – «Georges Suzanne Grand... [???]»
(mention calligraphié à la plume au verso)
Portrait-carte de visite – Dim. : 6,3 x 10,3 cm
Collection Oncle Freddy


 

Vers 1914 – «Léonie (née en 1903) et Lucette (née en 1905)»
Deux sœurs – Père artisan boulanger
Photographie datée de 1913-1914 ou juillet 1916... (à Lille ?)
© Jean Duhayon (fils de Lucette - 8 ans sur la photo)



1921 – «Andrée - Juillet 1921 - 8 ans 1/2»
(mention calligraphiée au verso)
Une rare image où le sujet adopte une pose dynamique.

Imprimée sous forme de Carte Postale – Dim. : 8,2 x 13,5 cm




Young Boy with Batlledore and shuttlecock
Portrait-carte de visite, édité à Nottingham
Comme sur le précédent cliché et le suivant, réalisés en Angleterre,
l'enfant pose avec un battledore.



Young Girl with Batlledore and shuttlecock
Portrait-carte de visite, époque victorienne – Liverpool



Portrait-carte, de qualité
G. Mineur – Charleroi – Rue de la Montagne 20
(verso vierge)
Dim. : 10,8 x 16,8 cm – Collection Oncle Freddy



Portrait au format carte postale
Dim. : 9 x 13,8 cm – Collection Oncle Freddy


«Yvonne» – Paris
Portrait-carte de visite – Dim. : 6,5 x 10,5 cm
Collection Oncle Freddy




Portrait-carte de visite – Dim. : 6,3 x 10,5 cm
Collection Oncle Freddy

 


Raquette jeu du volant ou tennis ?
Portrait Carte postale – Dim. : 8,7 x 13,7 cm
Signature gravée en relief au bas de la photo :
H. Ferrari — Nice-Vittel

Collection Oncle Freddy



Tirage au format carte postale (début XXème)
Dim. 6, 5 x 11 cm – Collection Oncle Freddy



«L et B Delaville / élèves de maman Cadel [?]»
Portrait-carte de visite – Dim. : 6,3 x 10,5 cm
Collection Oncle Freddy



Portrait de famille
Imprimé sous forme de Carte Postale
Mention imprimée au verso :
«Dora Société des produits As de Trèfle»
Dim. : 8,8 x 13,9 cm – Collection Oncle Freddy




Portrait-carte de visite – Dim. : 6,2 x 10,4 cm
Mentions imprimées au verso :
At Vinmer Photographe / St Quentin, Aisne

Collection Oncle Freddy



Un volant tout chiffonné (gisant au sol)
Portrait-carte – Dim. : 10,7 x 16,4 cm
Réalisé par Marc Tully (Lauréat de l'École des Beaux-Arts)

«Spécialité de portraits de bébés agrandissements
retouches & travaux artistiques en tout genres
»


 

Portrait-carte de visite – Dim. : 6 x 9,5 cm
Collection Oncle Freddy




Portrait-carte – Dim. : 10,5 x 14,5 cm
Collection Oncle Freddy




Portrait-carte de visite – Dim. : 6,3 x 10,3 cm
Mentions imprimées au verso :
J. Barco - Photographie Artistique
8, rue du Faubourg Stanislas – Nancy

Collection Oncle Freddy



Portrait-carte de visite
Photographie : Eugène Fontaine / 38, rue Thiers - Rouen
Collection Bruno Lafitte




«Jeanne Plainemaison»
(mention portée au crayon au verso)
Portrait-carte de visite – Dim. : 6,3 x 10,3 cm
Imprimé au verso :
Carette Photographe / 68, rue de la Liberté - Lille
Succursale Place de la Prairie à Douai.

Collection Oncle Freddy



Portrait-carte de visite – Dim. : 6,3 x 10,7 cm
Leclerc & Cie / Bar-le Duc
Collection Oncle Freddy



Portrait-carte de visite – Dim. : 6,2 x 10,5 cm
Collection Oncle Freddy





Portrait-carte de visite – Dim. : 6,4 x 10,6 cm
Collection Oncle Freddy



Portrait-carte de visite – Dim. : 6,2 x 10,3 cm
(aucune mention au verso)

Collection Oncle Freddy

 


Portrait-carte postale – Dim. : 8,7 x 13,6 cm
Mention au verso : Photo A. Gerhäuser, rue Neuve 126, Bruxelles
Collection Oncle Freddy

 


Portrait-carte – Dim. : 10,8 x 16,5 cm
Collection Oncle Freddy




Portrait-carte de visite – Dim. : 6,2 x 10,5 cm
Collection Oncle Freddy




Portrait-carte postale – Dim. : 9 x 13,7 cm
Collection Oncle Freddy




Portrait-carte de visite – Dim. : 6,3 x 10,5 cm
Collection Oncle Freddy



Portrait-carte de visite – Dim. : 6,4 x 10,5 cm
Collection Oncle Freddy





Portrait-carte de visite – Dim. : 6,1 x 10 cm
Photographie Jamin et Cie / 13, rue Chapon /
Hôtel de Montbrisson / Paris

Collection Oncle Freddy

 

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