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Publié par Frédéric Baillette

        Comme analysé dans deux textes récemment publiés, le traditionnel jeu du volant, dont on trouve une des premières représentations toute masculine dans un livre d’heures datant du XVème siècle (voir «Le jeu du volant : une “drôlerie”»), s’était ensuite largement féminisé. Le Volant fut ainsi progressivement considéré comme un divertissement peu dangereux et puéril, intéressant plus particulièrement les jeunes enfants. Il fut également perçu comme un exercice peu fatigant, convenant au rétablissement des convalescents, et surtout s’accordant avec le «sexe faible». Sexe délicat par nature dont, par ailleurs, il soulignait la grâce et sublimait la silhouette, tout en dévoilant d'affriolantes parcelles de corps (voir «Les Jeux de l'amour et du volant»).
    «Le principal avantage que les Dames trouvent à jouer au Volant, est de faire un exercice modéré, & de montrer leur adresse et leur légèreté», pouvait-on, par exemple, lire dans le «Mémoire sur les Jeux» publié en 1779 par Constant d’Orville [1] .
    Ou, comme le résumera, encore en 1926, un article consacré aux amusements du temps jadis : ce «bien joli jeu dont raffolaient nos aïeules», jeu inoffensif et tout de grâce, «rend souple et léger le corps féminin sans l’astreindre à de pénibles fatigues» [2].

    À partir du XVIIIème siècle et jusqu’à l’orée du XXème, le jeu du volant va ainsi être présenté comme un passe-temps aussi gracieux qu’innocent, et, comme tel, participer à la «fabrication» de la Jeune Fille bien éduquée : insouciante, naïve et pure. Une Demoiselle préservée de toutes mauvaises pensées et de toutes corruptions, aussi vertueuse que vierge (voir : «Le Volant, un jeu pour les filles», suivi de «Le Volant, un jeu de “Pucelle”»).

   Le jeu du volant fut aussi un amusement auquel les hommes participaient ou s'invitaient, pour faire plaisir à leur épouse ou tenter de charmer une beauté. En mettant les corps des galantes en mouvement, en les faisant palpiter, il attisait les convoitises et les regards concupiscents. Ce que résume cette illustration grivoise, à l'humour franchouillard, publiée en 1885 dans Le Journal Amusant, où un trio de messieurs lorgne sur une «croustillante [...] petite châtelaine» qui excelle au «noble jeu du volant» :

 

«En villégiature», in Journal Amusant, 26 septembre 1885, p. 6. Gallica.BnF

«En villégiature», in Journal Amusant, 26 septembre 1885, p. 6. Gallica.BnF

Textes accompagnant cette image :
(à gauche sous la partie de volant) :
LE NOBLE JEU DU VOLANT.
La jolie châtelaine y excelle. N'en point conclure, jeune présomptueux,
qu'il suffise de lui tenir tête pour mériter le paradis :
vous risqueriez de faire balle perdue !

(à droite, sous le mâle trio) :
SITÔT DÉBARQUÉS.
— Hein ! est-elle croustillante, la petite châtelaine !
— Modérons-nous, messieurs ; attendons au moins qu'on nous propose de faire le tour de la propriétaire !



Le Badminton un jeu de volant «plus énergique», convenant au sexe féminin
   
Au tournant du XXème siècle, les rares journalistes qui s'intéressent au Badminton (alors très anecdotiquement pratiqué en France) vont d’emblée le présenter comme une variante, voire une amélioration du Jeu du Volant. En dehors de la presse sportive et de quelques rubriques sportives, le badminton est alors perçu comme un simple «jeu de volant au filet», au mieux une version anoblie, qualifiée de «scientifique». Il est, dès lors, décrit comme une activité de faible intensité, convenant surtout aux filles (voir «Le badminton dans la presse française (1875-1914)»).

    En 1888, La Grande Encyclopédie Méthodique, Universelle, Illustrée, des Jeux et des divertissements de l’esprit et du corps, souligne que le Badminton, ce «jeu de pelouse […] encore inconnu chez nous », est peu fatigant et donc que les dames peuvent y participer. Leur présence serait même bénéfique, car elle stimulerait la gent masculine en aiguillonnant les viriles rivalités. Ainsi, dans le chapeau de l’article, l’anonyme auteur précise-t-il d’emblée que les jeux de jardins, «ayant ordinairement l’avantage d’exercer l’adresse et la force sans produire une grande fatigue, [cela] permet aux dames d’y prendre part en y ajoutant l’émulation que leur présence excite toujours» [3].

    Du fait du moindre poids des raquettes et de la légèreté des volants, le badminton «exige[rait] moins de force que le tennis», dont il ne serait qu’un succédané (le volant qui remplace la balle ne pouvant être repris qu'à la volée). Il convient «donc particulièrement aux jeunes filles et aux dames», comme le note, dès 1906 (et jusqu’en 1913), le Catalogue de la Manufacture Française d'Armes et Cycles de Saint-Étienne. Cette Entreprise de vente par correspondance propose ainsi trois coffrets de jeu de Badminton essentiellement adaptés aux très jeunes enfants et aux différents âges composant le sexe féminin : un bon modèle pour enfants et fillettes, un modèle de bonne fabrication pour jeunes filles et un modèle de fabrication parfaite pour dames. Les hommes ne semblant, ici, nullement concernés par ce nouveau jeu (et l'abandonnant une fois passée l'enfance) :
 

1905 - Jeu de Badminton - Manufacture Française d’Armes et Cycles de Saint-Etienne, p. 3

1905 - Jeu de Badminton - Manufacture Française d’Armes et Cycles de Saint-Etienne, p. 3


    En juillet 1921, dans Les Annales Politiques et Littéraires, Gaston Sévrette note encore que le badminton, qui rappelle «certains de nos amusements traditionnels où se montrait la grâce des femmes d’autrefois», est accessible aux dames, car «la force y est superflue». Pour preuve, les dames anglaises «y jouent couramment avec des partenaires masculins, qui ne sont pas toujours les vainqueurs» !

À lire, sur ce même blog : «Le badminton "a game for Ladies”»

    Autre avantage : «L’activité qui se déploie au badminton est un des meilleurs préservatifs des dépressions physiques.» [4] Un trouble constitué de langueurs, de fatigues excessives, de nervosités désagréables, de tristesses, touchant, la si fragile et irritable complexion de la femme [5] !

    Le mois suivant, le 14 août 1921, toujours dans Les Annales, Marguerite Lheureux qui, très certainement, dirige la maison de ventes «Mon amie de Paris», propose à ses «Amies [qui] trouvant le jeu de tennis trop fatigant, ou ne disposant pas du terrain nécessaire, le jeu de Badminton. [Un jeu] tenant à la fois du tennis (il y a un filet) et du volant [qui leur] procurera un exercice agréable et salutaire» [6] . Le badminton, autant par intérêt économique que par méconnaissance, est ici présenté comme un jeu (plutôt qu’un sport) conçu pour les dames.

    Comme l’observe Julie Gral dans sa thèse, «le badminton demeure plébiscité pour les femmes, les jeunes filles et se place ainsi du côté des jeux et pratiques peu énergétiques, à visée hygiénique ou esthétique et non comme un sport athlétique» [7].

    En 1927, le badminton reste toujours pour Le Miroir des Sports un sport «pour les femmes», toutes les femmes, «aussi bon pour les personnes mûres que pour la jeunesse». Il est une activité non-violente, notre «vieux jeu» de volant «rendu plus énergique et doué [doté ?] d’un code régulier» qui «ne réclame que des mouvements gracieux et [est] de nature à améliorer l‘esthétique du corps féminin».
    À la différence des sports violents qui virilisent leur anatomie, et «durci[ssent] leur beauté», le badminton est un «sport de beauté», qui «élance la stature» [8] :
 

Le Miroir des Sports, 12 juillet 1929, p. 59

 

     Il est amusant d’observer qu’un siècle plus tard, en 2021, la FFBaD présentera le badminton comme une activité raffermissant le galbe des cuisses et des fessiers, répondant ainsi aux attentes de la «jeune femme qui souhaite avoir des fesses et des jambes bien dessinées» :

« Tous les bienfaits du badminton », FFBaD 2021

   

    Cet intérêt pour les cuisses toniques et les arrondis des joueuses était présent dès les années trente. Les tenues s'allégeaient. Et, le badminton (comme le tennis), en révélant des morceaux de corps et en permettant de voir sous les jupes des filles, autoriserait la satisfaction de pulsions voyeuristes : c'est un sport «où les chemises en manches courtes et les jupes légères révèlent bien des choses...», concluait, un brin coquin, un article de 1934 présentant cette «folie du jour». Avec pour illustration une joueuse positionnée de dos (offerte, à son insu, aux regards masculins), dont la virevoltante jupette laissait apparaître les jolies gambettes tout en collant à d'aguichantes courbures. Autant de formes affolantes [9] !
 

Badminton Folie du Jour
Fantasio Magazine, Pierre Sennet, «Badminton, Folie du Jour», n° 648, 1er février 1934

 

    Gracieux exercice fait d'envolées, le badminton (tout comme, en son temps, le jeu du volant) mettait en valeur les envoutantes courbes féminines. Ses déplacements, sa gestualité, renfermeraient une dimension quasi artistique valorisant les (sylphides) silhouettes. C'est ainsi que dans les années 50, la marque de sous-vêtements pour dames Playtex recourut à une séquence de chronophotographie (qui n'aurait pas déplu à Georges Demenÿ, photographe, considéré comme le père de l'éducation physique scientifique), où une jeune beauté s'élance et frappe un volant dans une posture et des pointés de pieds de ballerine  :
 

Badminton Playtex
1950 – publicité pour l'«Invisible Playtex Pink-Ice»

Intégralité de la page publicitaire en Annexe 1


    Dans un précédent texte, nous avions déjà noté cette propension à mettre en avant le charme et l'élégance de la gestualité des joueuses de badminton. Une esthétique révélée par ce tout premier cliché sportif, publiée en 1938 dans le journal Le Jour, accompagné d'une légende soulignant l'artistique position de l'anglaise Miss M. Geer, qui «tombe avec la grâce d’une danseuse de l’Opéra» :
 

Le Jour, 2 mars 1938, p. 8


    Les instruments du jeu, sveltesse et fragilité de la raquette, délicatesse et pureté du volant, s'accordent avec l'image de la jeune femme idéale, rayonnante et à l'élégance gracile. Comme sur cette publicité des années 1940 pour un «Badminton cardigan» (gilet sportif sans col, boutonné par devant), figurant dans le catalogue de la marque de laines à tricoter Corticelli, une laine annoncée douce et moelleuse (FluffyDown) :
 

«Badminton cardigan», Catalogue laines à tricoter Corticelli
1940 (vers), «Badminton cardigan», Catalogue laines à tricoter Corticelli

Source de l'image : «Vintage Knits», blog Thrift Shop Sewing, 7 janvier 2011.

 

Starlettes, pin-up, naïades et nudes cow-girls
    À la même époque, le badminton, très en vogue à Hollywood, est présenté comme un jeu de pin-up et de «pretty sexy young woman».
    Des starlettes, futures icônes du cinéma hollywoodien, prennent la pose avec des raquettes et (parfois) un volant. Elles minaudent, la bouche en cœur, à l'exception de Johan Crawford (7ème dans le diaporama), saisie dans une attitude particulièrement dynamique :
 

Par ordre d'apparition : Lana Turner – Ann Morriss – Cecilia Parker (1932) – Rita Hayworth (1939) x 2 – Julie Andrews (1968) – Joan Crawford (1938) – Karen Morley (1932) – Shirley Temple (1944) – June Travis (1937) – Joyce Reynold – Kathryn Grayson – Liliane Montevecchi (1961)
Par ordre d'apparition : Lana Turner – Ann Morriss – Cecilia Parker (1932) – Rita Hayworth (1939) x 2 – Julie Andrews (1968) – Joan Crawford (1938) – Karen Morley (1932) – Shirley Temple (1944) – June Travis (1937) – Joyce Reynold – Kathryn Grayson – Liliane Montevecchi (1961)
Par ordre d'apparition : Lana Turner – Ann Morriss – Cecilia Parker (1932) – Rita Hayworth (1939) x 2 – Julie Andrews (1968) – Joan Crawford (1938) – Karen Morley (1932) – Shirley Temple (1944) – June Travis (1937) – Joyce Reynold – Kathryn Grayson – Liliane Montevecchi (1961)
Par ordre d'apparition : Lana Turner – Ann Morriss – Cecilia Parker (1932) – Rita Hayworth (1939) x 2 – Julie Andrews (1968) – Joan Crawford (1938) – Karen Morley (1932) – Shirley Temple (1944) – June Travis (1937) – Joyce Reynold – Kathryn Grayson – Liliane Montevecchi (1961)
Par ordre d'apparition : Lana Turner – Ann Morriss – Cecilia Parker (1932) – Rita Hayworth (1939) x 2 – Julie Andrews (1968) – Joan Crawford (1938) – Karen Morley (1932) – Shirley Temple (1944) – June Travis (1937) – Joyce Reynold – Kathryn Grayson – Liliane Montevecchi (1961)
Par ordre d'apparition : Lana Turner – Ann Morriss – Cecilia Parker (1932) – Rita Hayworth (1939) x 2 – Julie Andrews (1968) – Joan Crawford (1938) – Karen Morley (1932) – Shirley Temple (1944) – June Travis (1937) – Joyce Reynold – Kathryn Grayson – Liliane Montevecchi (1961)
Par ordre d'apparition : Lana Turner – Ann Morriss – Cecilia Parker (1932) – Rita Hayworth (1939) x 2 – Julie Andrews (1968) – Joan Crawford (1938) – Karen Morley (1932) – Shirley Temple (1944) – June Travis (1937) – Joyce Reynold – Kathryn Grayson – Liliane Montevecchi (1961)
Par ordre d'apparition : Lana Turner – Ann Morriss – Cecilia Parker (1932) – Rita Hayworth (1939) x 2 – Julie Andrews (1968) – Joan Crawford (1938) – Karen Morley (1932) – Shirley Temple (1944) – June Travis (1937) – Joyce Reynold – Kathryn Grayson – Liliane Montevecchi (1961)
Par ordre d'apparition : Lana Turner – Ann Morriss – Cecilia Parker (1932) – Rita Hayworth (1939) x 2 – Julie Andrews (1968) – Joan Crawford (1938) – Karen Morley (1932) – Shirley Temple (1944) – June Travis (1937) – Joyce Reynold – Kathryn Grayson – Liliane Montevecchi (1961)
Par ordre d'apparition : Lana Turner – Ann Morriss – Cecilia Parker (1932) – Rita Hayworth (1939) x 2 – Julie Andrews (1968) – Joan Crawford (1938) – Karen Morley (1932) – Shirley Temple (1944) – June Travis (1937) – Joyce Reynold – Kathryn Grayson – Liliane Montevecchi (1961)
Par ordre d'apparition : Lana Turner – Ann Morriss – Cecilia Parker (1932) – Rita Hayworth (1939) x 2 – Julie Andrews (1968) – Joan Crawford (1938) – Karen Morley (1932) – Shirley Temple (1944) – June Travis (1937) – Joyce Reynold – Kathryn Grayson – Liliane Montevecchi (1961)
Par ordre d'apparition : Lana Turner – Ann Morriss – Cecilia Parker (1932) – Rita Hayworth (1939) x 2 – Julie Andrews (1968) – Joan Crawford (1938) – Karen Morley (1932) – Shirley Temple (1944) – June Travis (1937) – Joyce Reynold – Kathryn Grayson – Liliane Montevecchi (1961)
Par ordre d'apparition : Lana Turner – Ann Morriss – Cecilia Parker (1932) – Rita Hayworth (1939) x 2 – Julie Andrews (1968) – Joan Crawford (1938) – Karen Morley (1932) – Shirley Temple (1944) – June Travis (1937) – Joyce Reynold – Kathryn Grayson – Liliane Montevecchi (1961)

Par ordre d'apparition : Lana Turner – Ann Morriss – Cecilia Parker (1932) – Rita Hayworth (1939) x 2 – Julie Andrews (1968) – Joan Crawford (1938) – Karen Morley (1932) – Shirley Temple (1944) – June Travis (1937) – Joyce Reynold – Kathryn Grayson – Liliane Montevecchi (1961)

    Crédit photo de Karen Morley AbeBooks.fr


    Selon le rédacteur de Picturegoer Weekly qui, en juin 1935, consacre un article aux sports pratiqués par les stars pour «maintenir le niveau élevé de condition physique nécessaire à leur carrière» (!), «le badminton a récemment gagné en popularité, et a même pris d'assaut Hollywood». Un jeu, qualifié d'épuisant, dont Karen Morley, gracieuse actrice de la Metro Golding Mayer (8ème dans le diaporama), possédant son propre terrain, était l'une des plus ferventes adeptes [10] :
 

Karen Morley USA
Karen Morley – «Sport of Stars», Picturegoer, 22 juin 1935, p. 11

 

    Vers 1940, l'artiste américain Alfred Leslie Buell, spécialisé dans le pin-up art, pour calendriers d'entreprises, peint une glamour joueuse de badminton :
 

Alfred Leslie Buell, pin-up badminton
1940 (vers), Alfred Leslie Buell, pin-up jouant au badminton

 

    Et en 1943, par exemple, une société anglaise, spécialisée en peinture et papier-peints, illustre un carton publicitaire, expliquant qu'elle n'est pas-là pour racketter ses clients, avec une pétulante Gay Racqueteer (un racqueteer étant dans le langage courant un trafiquant et un escroc). Une bondissante «raquetteuse» qui pourrait être appelée (voir le texte accompagnant l'image) : the Lily of the Volley - un jeu de mot avec Lily of the Valley, le nom du muguet en anglais. Volley se traduisant par «volée» (jouer à la volée), à l'origine de l'appellation du Volley-ball (inventé aux USA, en 1895, par une professeur d'éducation physique s'inspirant notamment du badminton. Jeu ainsi initialement baptisé mintonette, rapidement appelé volley-ball, pour indiquer que le ballon devant être uniquement joué à la volée.

 

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«Gay Racqueteer», B. C. Company, Lancaster (England) – Collection Bernard Lechalupé

 

    Plus anecdotiquement, le badminton est une fantaisie aquatique à laquelle se livrent à corps et à rire des naïades, sous des objectifs capturant leur exubérante beauté, comme en témoigne ces clichés d'une partie de water badminton publiés en 1934 dans (au moins) deux journaux européens : l'hebdomadaire néerlandais Het Leven Geii llustreerd et Paris-Soir (dans un entrefilet titré «Natation et jeu de balle») :
 

Water Badminton
1934, «Het Leven Geii llustreerd» (Nederland), Water Badminton

 

Water Badminton
Paris-Soir, 25 mars 1934, p. 12 – Source : Gallica-BnF

 

    Et, en 1939, en Californie, des jeunes filles dénudées furent exhibées jouant au badminton dans le Sally Rand's Nude Ranch. Une attraction où des cow-girls, simplement «vêtues» de chapeaux, ceintures et bottes de cow-boys, vaquaient aux occupations quotidiennes d'un ranch : frire des œufs, faire tournoyer un lasso, etc., et... où elles disputaient des parties de badminton ! (cf. «Photos of San Francisco in 1939» et, pour quelques images supplémentaires, pulpcovers.com).
    Le Nude Ranch fut considéré comme l'une des attractions les plus réussies de l'Amusement Zone, baptisée Gayway, de l'exposition universelle (The Golden Gate International Exposition), organisée à Treasure Island (San Francisco) du 18 février au 29 octobre 1939 et du 25 mai au 29 septembre 1940 !
 

Badminton Sally Rand's Nude Ranch Treasure Island San Francisco
1939 – «Badminton» au Sally Rand's Nude Ranch, Treasure Island (San Francisco)

 

Un amusement estival pour épouses, campeuses (et campeurs)
    Ce badminton qui, outre-Atlantique, sied aux starlettes et (ponctuellement) aux beautés dénudées, va devenir, en France et plus largement en Europe, une activité de loisir et de délassement pour épouses en villégiature et pour une jeunesse profitant de détentes ensoleillées.
    Raquettes et volants bon marché firent partie des jouets que les mamans emportaient dans leurs bagages pour se divertir en vacances, ou à l'occasion d'une sortie familiale à la campagne :
 

Années 1960, Carte postale intitulée (au verso) «En vacances», Chapeau Éditeur

 

    Ce fut également un amusement que les fillettes affectionnaient.
    Délesté de tout règlement, le badminton prend alors la forme de l'ancien jeu du volant, joué avec des raquettes et un volant en matière plastique, plus résistant. Ici, nul besoin de filet, le plaisir naissant de la répétitivité et de l'adresse déployée pour parvenir à faire durer les échanges.
    Comme ces deux pré-adolescentes, des sœurs (?), se renvoyant un volant avec des raquettes GéGé, à l'occasion d'une escapade familiale en Peugeot 403 (très certainement la 7 chevaux, mise en service en 1959).
 

Badminton Instantané Campagne Fillettes Raquettes GéGé
1959 (vers), Photographie, Un dimanche à la campagne. Partie de badminton avec raquettes GéGé


    On y joue également entre jeunes femmes, dans un face-à-face rieur, dans une allée de graviers, ou en chaussures à talons sur une terrasse, plus souvent sur un coin d'herbe :
 

Badminton Dames Campagne
France – Partie de volant dans une allée de graviers – collection de l'auteur

 

Badminton Campagne Dames
1955 (vers), France – Partie de volant en talons sur une terrasse ensolleillée

 

Badminton Campagne
juin 1946, USA (vendeur situé dans le Missouri) - en vente sur Ebay

 

Badminton Campagne Dames
Vers 1960, France – Partie de «badminton» à la campagne – Dim. 11.5 x 8.5 cm

 

     Il arrive aussi que l'on joue des parties entre amies, deux contre deux ou une contre une, sur un terrain plus ou moins bien tracé, avec des filets plus ou moins bien tendus :
 

Non daté – Partie de badminton entre dames, dans le jardin privé d'un pavillon.

 

Badminton Campagne
Années 1960 – Partie de badminton entre amies dans un coin de campagne

 

Badminton USA snapshot Campagne Dames
USA, non daté – Parie de badminton dans un jardin privé

 

USA, non daté - Partie de badminton (et de tennis de table) en plein air, entre dames

 

National Music Camp, Interlochen, Michigan, Etats-Unis, Arthur S. Siegel, administration américaine de la sécurité agricole, août 1942

Source de la légende : alamyimages
Source de l'image : Ici (mais avec une légende et surtout une date différente).

 

1951 – Partie de badminton en plein-air dans le Rainbow Camp de Hanson (Massachusetts)

Source de l'image : Flickr
Camp de vacances pour Rainbow Girls fondé en 1948,
accueillant essentiellement des campeuses

 

USA (vendeur du cliché basé en Californie), non daté – Partie de badminton entre couples

 

   On pose avec les instruments du jeu pour une photo-souvenir, seule, avec sa sœur, ou accompagnée de sa meilleure copine, avec sa bande de copains, ou encore en couples (mariés ou pas), en mimant un service ou tout simplement une raquette à la main, comme, à la fin du XIXème siècle, les enfants posaient dans les ateliers de photographies avec leur jouet du jour et (parfois) un bon gros volant, voir : «Portraits photographiques avec raquettes et volant (1860-1921)».
 

Badminton portrait jeune fille raquette volant
1963 – Belgrade (Serbie)

 

1950 Pretty Young Woman Serve up Badminton Birdie
1950 – Pretty Young Woman Serve up Badminton Birdie - England

 

Ves 1955, France – Sœurs ou copines – Volant en matière plastique

 

Badminton groupe campagne
Années 1960 – Partie de badminton entre amies dans un coin de campagne

 

USA, non daté

 

Badminton Photographie groupe amies Raquettes
Photographie non datée, Croatie

 

Photographie, non datée – Californie

 

Snapshot, badminton, USA, vintage, couple raquettes
Vers 1976, USA

 

Un jeu de camping qui sent bon le sable chaud
    Le badminton devient une distraction de plein-air à laquelle les hommes s'associent pour partager un temps d'amusement, un moment de détente agréable, avec leurs épouses et leurs enfants, ou encore pour lier connaissance (avec une touriste) à l'occasion d'une pause estivale...
 

Photographie non datée, Partie de badminton mixte dans un Centre de vacances (?)

 

USA, non daté - Guys and Girls playing Badminton

Image disponible sur Ebay accompagnée de cette annotation : «Peek-a-Boo bulge shorts gay interest».

 

    En 1979, Badminton, la revue officielle de la toute nouvelle Fédération Française de Badminton en fera le lucide (et amer) constat : «Il se vend plus d'un million de raquettes chaque année sur le territoire national mais celles-ci sont plus utilisées pour les jeux de plage du volant que pour la compétition.» [10]

    Dans les années 60, le mode d'emploi (un simple page recto-verso) qui accompagne un coffret de la marque Gégé (comprenant 2 raquettes, 4 volants en plastique et une cordelette, à tendre entre deux piquets), présente dès ses premières lignes le badminton comme «un jeu très attrayant ne demandant pas d'espace spécial», se jouant «à l'orée de bois, dans les prairies, à la plage ou au terrain de camping». Si le badminton est notifié comme étant aussi un «sport de compétition», il est avant tout introduit comme un jeu de «délassement», «de détente, de loisirs» auquel une jeunesse aux corps légèrement halés, s'adonne en maillot de bain.
    Le fabricant prend d'ailleurs soin de recommander aux acheteurs, pour éviter que le cadre de ces raquettes «en matière plastique» ne se déforment, d'«éviter de [les] exposer longuement en plein soleil, derrière les vitres de l'automobile ou le coffre à bagages». Il ne manque pas non plus de souligner leur «insensibilité à l'eau» et de préciser que ses raquettes peuvent être «immerg[ées] dans l'eau de mer ou de rivière sans aucune crainte» ! (voir illustrations ci-après).
 

    Située à Montbrison (Loire), l'entreprise familiale GéGé (du nom de son fondateur, en 1933, Germain Giroud), spécialisée à ses débuts dans les poupées de salon, était devenue le leader du marché du jeu et du jouet à la fin des années 1950.
    Cf. Sophie et Pascal Besançon, GéGé : Des jouets pour tous, Bois-d'Arcy, Éditions Fer de Chances, 2002.

 

Années 1960 - feuillet "mode d'emploi" accompagnant les coffrets Gégé
Années 1960 - Recto du "mode d'emploi" accompagnant les coffrets Gégé

 

Années 1960, Étiquette apposée sur les raquettes GéGé

 

    Le badminton, tout comme le volley, est un exercice convivial qui par beau temps, sur le sable ou un coin d'herbe, offre un temps de plaisir partagé, de connivence festive, entre ami.e.s, couples mariés ou en famille. Ces jeux sportifs d'extérieur n'ont pas encore pris la forme résolument compétitive, qu'ils prendront au tournant du XXème avec leurs déclinaisons en beach-volley et air-badminton.
 

    Si sur les plages et dans les campings, vacanciers et vacancières y jouent en boxer ou deux pièces, dans les camps naturistes, c'est en tenue d'Adam et Ève que l'on dispute des parties, démontrant qu'il est possible de jouer au badminton (et au volley), à bonne distance, dans le plus simple appareil. À l'instar de ce groupe d'anglais, adeptes du naturisme, photographiés en 1953 à Northampton (photo disponible à l'achat sur Getty Images) :

Embed from Getty Images

    Plus près de nous, en 1993, la revue Le Nouveau Naturiste publiera, dans sa rubrique Harmonie sportive un article de 2 pages présentant «Le Badminton, jeu de souffle et de chaos», illustré d'une (diabolique) rouquine à la charnelle plastique.
    Dans son introduction, sa rédactrice, Gaïane Gallois, revient sur de vieux clichés : «On a longtemps considéré le badminton comme un jeu de plage pour enfants et vieilles dames en dentelles. Il est vrai que le volant, freiné par ses plumes, est plus féminin dans sa connotation que la balle de tennis qui, frappée avec force, évoque plutôt une balle de fusil, et il est vrai aussi qu'on imagine difficilement un sport viril utilisant un projectile doté d'attributs féminins tels que cette jupe de plumes flottant dans l'air d'été.» [12].

 

Badminton Naturisme
Le Nouveau Naturiste, n° 14, mai 1993, p. 34

L'intégralité de l'article est disponible en Annexe 2

 

Un divertissement de pleine nature
   Dans les années 50-70, divers instantanés montrent, qu'en Europe et dans les pays anglo-saxons, le jeu de badminton fut un divertissement d'extérieur faisant la joie de couples qui le pratiquèrent tant dans des parcelles de jardins qu'à la campagne, dans des cours que dans des espaces forestiers. Il fut un passe-temps, pouvant se résumer à un exercice de jonglage en tête-à-tête, ou prenant la forme d'échanges «compétitifs» entre paires d'amis, par-dessus un ficelle tendue entre deux arbres ou un filet installé pour l'occasion (sorti d'un «kit», comprenant poteaux, haubans et lignes permettant de délimiter provisoirement un terrain).
 

Badminton Campagne France Mixte
1950 (vers), France – Partie de badminton à la campagne entre père et fils – Dim. 10,5 x 8 cm

 

1950 (vers), France – Partie de badminton à la campagne entre père et fils – Dim. 10,5 x 8 cm

 

Instantané, non daté – Partie de badminton entre ami.e.s après (ou avant) pique-nique – Collection de l'auteur

 

Photographie non datée, Campagne Allemande - Dim. 6 x 6cm

 

Badminton Campagne Mixte Bulgarie
Photographie non datée, Bulgarie

 

   Ainsi, comme nous l'avons vu en début d'article, dès ses premières mentions dans la presse française (fin XIXème – début XXème), la féminisation du jeu du volant a structuré, orienté et altéré durablement la vision ordinaire du badminton. Ce cliché l'associant à un sport de demoiselles, voire de fillettes, ou encore à une activité d'efféminé (voir : «Badminton et masculinité. Épisode 1 : Mise en jeu du pénis» et «Épisode 2 : Briseur de raquette versus “badmintonneur”»), a alors profondément imprégné et marqué son histoire et freiné sa maturation sportive (il transparaît encore de nos jours sous la forme édulcorée de boutades et autres formulations blagueuses, se voulant humoristiques ou taquines).
    En France, dès la fin des années trente, les promoteurs du Badminton, à la fois en mal de reconnaissance et soucieux d'élargir l'audience d'un sport dont ils discernent les potentialités, vont chercher à se défaire de cette vision féminine (et enfantine). Pour contrer cette emprise, qu'ils perçoivent comme un frein au développement de leur passion, ils proclameront que le badminton est (lui aussi) «un vrai sport », soit une activité compétitive virile (physiquement exigeante, spectaculaire et faisant appel à une tactique).
    Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, ces promoteurs s’efforceront de montrer que «Le badminton n’est pas un jeu de petites filles» ! Mais bien un sport à part entière, un sport d'Hommes !
    Une affirmation et une revendication qui sera l'objet d'un prochain article...
 


[1] «Mémoire sur les Jeux», in Constant d’Orville, Mélanges tirés d’une Grande Bibliothèque, à l’usage des Dames, Tome 2, 1779, Paris, Chez Moutad, pp. 290-29
[2] Henri Nicolle, «Comment on s’amusait jadis», in Ève. Journal féminin illustré du dimanche, 29 août 1926, p. 5.
[3] T. de Moulidars, La Grande Encyclopédie Méthodique, Universelle, Illustrée, des Jeux et des divertissements de l’esprit et du corps, Paris, Librairie Illustrée, p. 227.
[4] Gaston Sévrette, Les Annales Politiques et Littéraires, 17 juillet 1921.
[5] Voir, par exemple, Doctoresse Hélina Gaboriau, «Quand les yeux s’ouvrent», in Le Journal de la beauté, n° 22, 26 avril 1910, p. 3.
[6] Marguerite Lheureux, «Carnet de “Mon amie de Paris”», Les Annales Politiques et Littéraires, 14 août 1921, p. 139.
[7] Julie Gral, Histoire du badminton en France (fin XIXe siècle – 1979) : Pratiques et représentations, Thèse de doctorat STAPS, Université de Rennes 2, 2018, p. 115.
[8] «Pour les femmes», Le Miroir des Sport, 12 juillet 1929.
[9] Pierre Sennet, «Badminton, folie du jour», Fantasio, 1er février 1934, p. 29.
[10] «Recently badminton has made big headway in popularity, in fact it has taken Hollywood by storm. One of the most ardent devotees to this strenuous game is Karen Morley, who has her own court and is an expert.»
Picturegoer Weekly, 22 juin 1935, p. 11 (disponible sur The British Newspaper Archive).
[11] Badminton, «Création de la Fédération Française de Badminton», 28 février 1979.
[12] Gaïane Gallois, Le Nouveau Naturiste, n° 14, mai 1993, pp. 34-35.

 

ANNEXE 1

Le Badminton : Un sport «à l'usage des dames», épouses, pin-ups, starlettes et adeptes de naturisme
Le Badminton : Un sport «à l'usage des dames», épouses, pin-ups, starlettes et adeptes de naturisme
Le Badminton : Un sport «à l'usage des dames», épouses, pin-ups, starlettes et adeptes de naturisme
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